Le pouce (ou autostop, pour celles et ceux qui préfèrent), c’est bien sûr sérieux. Mais c’est aussi une source de plaisir, de moments légers, drôles et parfois même ridicules. Anick-Marie Bouchard, du blogue La globe-stoppeuse, nous révèle dans cette deuxième partie d’entrevue une autre facette de ses nombreux voyages.
L’objet dont tu te sers le plus en voyage?
Comme je marche souvent pieds nus, je ne peux pas vraiment dire mes souliers ou mes bottes de marche… Par contre, je dois avouer que mon sac à dos m’accompagne presque toujours, même quand je ne suis plus vraiment en voyage, c’est-à-dire quand je suis installée quelque part. C’est un sac à dos à armature assez bas de gamme acheté il y a plus de 7 ans chez Décathlon, un Fortraz 50 litres au dos plus court, spécialement conçu pour les femmes. J’aime surtout son rembourrage aéré aux hanches et aux épaules et la façon dont les poches sont configurées. J’ai acheté un sac haut de gamme 60+10 L par la suite, mais il ne m’a pas séduite et j’ai fini par le donner à un ami. Je continue à croire que 50 litres est une taille idéale pour un sac multi-fonction. Au fil des années, je le remplis de moins en moins… En voyage, on transporte beaucoup d’angoisses avec soi, et ça nous éreinte. Un sac modeste nous oblige à faire le ménage et aller vraiment à l’essentiel.
L’objet dont tu ne te sers jamais mais que tu apportes toujours quand même?
Un petit Bouddha en fonte qui m’a été offert en 2003… C’est ma manière à moi de voyager léger ! Et les rares fois où je ne l’ai pas avec moi, j’ai au moins le bouchon de liège que mon amie Stéphanie m’a donné pour mon anniversaire en 2006. Il est écrit dessus la devise du vignoble : “Une passion et des hommes”… :)
L’objet qui n’existe pas encore mais que tu aimerais inventer pour faciliter les voyages?
Je souhaiterais obtenir un bullshit-o-mètre dernier cri pour détecter quand les gens ont des intention cachées et m’éviter de soupçonner inutilement des gens qui souhaitent m’aider. Ça m’éviterait d’être stressée, de perdre mon temps et de rater de belles occasions, de beaux échanges.
Le souvenir le plus ridicule que tu as acheté en voyage?
Lors de mon premier voyage en Europe, j’étais partie pour toute l’année aux études avant de partir visiter la Scandinavie et l’Irlande. Je me sentais un devoir moral de rapporter des souvenirs à mes meilleurs amis… Après avoir fait au moins dix visites de boutiques de souvenirs à Stockholm et à Copenhague, j’ai choisi pour l’un d’entre eux une petite figurine de Troll avec des cheveux entremêlés. Ils étaient un peu comme les Schtroumpfs, tu sais, des figurines dans de drôles de positions, toutes un peu semblables. Arrivée à Dublin, j’ai voulu acheter une petit flûte irlandaise pour un autre ami et c’est là que je me suis rendue compte que la boutique de souvenir avait elle aussi son petit étalage de Trolls et Vikings. Ce sont tous des souvenirs attrape-touristes faits en Chine… J’ai arrêté les souvenirs après ça, c’est assez honteux d’acheter de pareilles conneries ! Mais de temps à autres maintenant des gens me donnent des trucs et je les garde pendant des années avec moi, puisqu’au moins c’est significatif !
L’aliment, boisson ou mets que tu aimes comparer d’un pays à l’autre?
Je ne crois pas qu’il y en ait, à vrai dire. Mon régime alimentaire varie énormément d’un pays à l’autre, puisque j’essaye de me baser sur les aliments consommés localement. Mais je ne fais pas vraiment de comparaison.
Le groupe ou musicien-ne que tu préfères écouter en voyage?
Encore là, ça dépend d’où je suis, il y a une musique pour chaque chose ! Par exemple, j’ai regardé les aurores boréales avec du Damien Saez et du Arcade Fire dans les oreilles, mais du Gogol Bordello et du Goran Bregovic dans les Balkans, du Modena City Ramblers en Italie… Mais si je n’avais droit qu’à un seul, peut-être… Beirut ?
Des découvertes artistiques que tu as faites durant tes périples que tu aimerais partager avec les lecteurs (peinture, musique, littérature, etc.)?
J’ai découvert le peintre Bernard Buffet lors de ma toute première visite de musée en Europe, le Musée Paul Valéry à Sète en France. J’aime son style longiligne et très “dark”. Mais sinon je dois avouer que je ne suis pas une grande fan d’art – je m’y berce un peu parfois mais sans m’en passionner. Pour ce qui est de la musique, mon coup de coeur est le groupe écossais Belle and Sebastian, même si je dois avouer que toute la musique folk écossaise m’a séduite, celle qui joue dans les petits pubs où des gens de trois générations chantent ensemble en buvant des Ales..
La superstition dont tu ne peux te débarrasser en voyage, si incongrue soit-elle?
J’ai une règle un peu étrange en auto-stop : je ne peux pas décliner plus de trois rides parce qu’elles ne vont pas assez loin ou dans la mauvaise direction. S’il y a autant de gens m’offrant des trajets qui ne me conviennent pas, c’est sans doute que je suis mal placée. J’ai parfois fait des trajets assez longs dans la direction inverse ainsi, ou encore je suis arrivée à une destination imprévue et excitante… Il est difficile de dire si j’ai vraiment perdu du temps avec cette superstition. Mais il me semble plus « safe » de me déplacer et de rencontrer des gens que de rester au même endroit et de risquer d’y rester !
Le pays que tu as préféré et pourquoi?
Mon pays préféré en tant qu’étrangère de passage, c’est la Turquie. J’y suis restée deux mois et j’en suis depuis irrémédiablement nostalgique. L’hospitalité fabuleuse, la passion, la musique, la danse, le pays et ses nuances, ses saveurs, sa langue chantante ! C’est le pays où j’ai voyagé où l’auto-stop est sans doute le plus dangereux pour une femme seule… Mais en même temps, c’est un pays de contrastes, de dévotion, de frustration, de déchirement, de chansons… Pour moi, rencontrer un camionneur turc sur les routes d’Europe, c’est de bon augure. Ce sont les meilleurs, ils furent aussi mes pires… J’en garde cette tension et cet amour, et une nourriture fantastique. Türkiye çok güzel !
Le pays que tu as le moins aimé et pourquoi?
Facile ! Les États-Unis, et c’est absolument de ma faute ! Mes passages aux États-Unis ont toujours été des transits, des escales. J’ai vu les aéroports de Washington, Cincinnati, Atlanta, New York… Et j’ai dû passer un bon moment à la douane à chaque fois, ai souvent raté mon vol suivant, m’ait fait supplier plusieurs fois de prendre un hôtel dû au surbooking, ai dû passer l’immigration avec un passeport temporaire sur une feuille… J’ai hâte d’être sur ses routes plutôt que dans ses aéro-porcs… Il y a quelques années il était impossible de trouver de la soupe ou des fruits pour manger. Que des frites, des steaks, de la pizza… Mais les choses ont changé, déjà !
Ton plus beau souvenir de voyage?
C’est le genre de question que je déteste parce que dans le voyage d’aventure, c’est souvent les pires expériences qui font les plus beaux souvenirs, les émotions les plus intenses et transformatrices. Le conducteur dont je me souviens le mieux était un ex-soldat danois ayant servi en ex-Yougoslavie. Il m’a d’abord fait peur en me posant des questions sur ma formation en self-défense, à savoir si j’avais une arme sur moi, si j’étais capable de me défendre… Mais cet homme m’a aussi donné plein d’idées sur comment m’en sortir en cas d’urgence, sur l’utilisation d’armes d’opportunité. Il était passionné de combats extrêmes et connaissait un Russe expert en combat avec armes domestiques… En plus, il avait beaucoup de choses à raconter, de trucs lourds sur le coeur. Il m’a parlé de comment il s’est senti la première fois qu’il a appuyé sur la gâchette et a atteint sa cible humaine. J’ai beaucoup appris avec lui !
L’expérience de voyage que tu ne souhaites jamais revivre?
Mon kidnapping. Je ne souhaite à personne d’être séquestré ou agressé lors de ses voyages, peu importe les conséquences finales de l’incident.
Un secret de voyage que tu n’as jamais révélé… jusqu’à maintenant?
On parle trop peu de sexe en voyage… Moi je suis plutôt prête à en parler et bien sûr à briser la solitude ! Le problème, c’est qu’on est souvent entourés de gens, d’autres voyageurs alors imaginez quand on voyage en couple ! Je pense que j’ai dû baiser/etc. dans tellement de situations où d’autres personnes étaient à côté… À Berlin, à Édimbourg, à Amsterdam, à Toulouse, à Paris, à Istanbul, à Longueuil… Je ne parle pas d’exhibitionnisme ou de baiser dehors là, juste de s’abandonner un peu dans une pièce où d’autres voyageurs sont couchés, dans les communes ou dans un appart à aires ouvertes…
Le souci, c’est qu’une fois une de mes copines s’est mise à me faire la conversation au petit matin tandis que j’étais bien installée sous les couvertures. Il a fait semblant de dormir. Je ne crois pas qu’elle ait remarqué, mais ça me fait bien sourire d’y repenser… :)
Eh bien, je ne peux que remercier chaleureusement Anick-Marie pour son incroyable générosité. Que de réponses étoffées, sages et inspirantes. Elle a dû passer des heures à écrire tout ça. J’ai eu la chance de la rencontrer et je peux vous garantir que la passion contenue dans ses réponses reflète parfaitement sa personnalité altruiste, extravertie et intense. N’hésitez pas à visiter son blogue La globe-stoppeuse pour plus d’informations sur l’univers du pouce et sur ses projets, livres, conférences, etc. Je lui souhaite bonne chance dans ses nombreux projets, mais surtout, je lui souhaite le plus beau des mariages. Vive la vie, vive l’amour.
haha je vois qu’on à plus ou moins la même réponses sur l’objet qui n’existe pas :)