L’inévitable naïveté du voyageur

Votre humble serviteur et son journal de voyage (photo prise par René Pageau)

Les voyageuses et voyageurs qui rédigent un journal connaissent ce phénomène. Sur la route, on y écrit nos activités et nos impressions, on y consigne le maximum de nos expériences dans le but de « revivre » notre voyage lorsqu’on aura déposé notre sac à dos (ou valises, c’est selon) sur le plancher de notre résidence. On espère que tous les mots ainsi immortalisés sauront restituer la complexité des émotions, des sensations, des opinions qui nous auront habités au cours de nos déplacements. Pendant les jours suivant le retour, on éprouve un vif plaisir à relire nos émois. Puis, on range le journal avec les autres souvenirs rapportés.

Un phénomène normal

Or, bien souvent, quand on reprend ce journal et qu’on décide de s’y replonger, on réalise – parfois avec effroi -, que notre vision des gens rencontrés, des lieux visités, des péripéties vécues était alors teintée d’une grande naïveté. On se demande comment on a pu croire possible de résumer un peuple aussi complexe, un lieu aussi dense, une aventure aussi marquante en quelques phrases bourrées de bonnes intentions. On peut donc éprouver une certaine gêne devant nos pensées couchées sur papier. Si en plus nos textes ont été diffusés dans l’espace public, comme sur un blogue, on peut être tenté d’en réécrire quelques-uns. Mais ce serait une erreur. Car, dans le fond, quand on rédige un journal de voyage, ce n’est pas tant pour définir la vraie nature d’une communauté ou d’un site que pour saisir l’essence de qui nous sommes à cet instant précis de notre vie. Et quand on compare plusieurs de ces instants, on voit la distance qu’on a franchie au fil des ans, on mesure l’ampleur de notre évolution. À mes yeux, la croissance personnelle constitue une des principales raisons de voyager.

Une occasion de grandir

Je ne condamne donc pas cette naïveté; en fait, je l’estime normale. Jauger de la profondeur des choses pendant qu’on est immergé dans le présent peut se révéler bien difficile. Le recul permet d’adopter une perspective plus globale sur notre périple. Ainsi, on peut constater en parcourant nos écrits qu’on a évolué depuis les faits qui y sont décrits, que notre capacité de comprendre s’est raffinée, que nos connaissances se sont élargies. Les leçons acquises s’ajoutent alors à notre arsenal. Puis, quand vient le temps de repartir, on se sent plus apte à savourer les expériences qui s’offriront à nous. On les couchera dans un journal. Encore. On les relira. Encore. Et tout le processus recommencera. Pour notre plus grand bien.

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