Lors d’un de mes séjours à Caracas (en janvier 2008, plus précisément), j’ai été faire mes courses. J’ai ainsi été chez le boucher et je lui ai demandé des « pechos de pollo » (« seins de poulet »). Oh ce regard amusé… ce sourire qui se retenait de laisser tomber le « sou- »… ce sentiment d’avoir commis un impair. Pourtant, selon mon dictionnaire français-espagnol, le mot pouvait être utilisé dans ce contexte. Mais dans la pratique, il ne semblait pas convenir. Question de connotation, sans doute. Déterminé à sauver mon honneur, j’ai alors dit au boucher: « pechugas? » (poitrines). Il a acquiescé d’un signe de tête, en riant de bon coeur. Je me suis senti stupide, mais je n’ai pu m’empêcher de rire à mon tour. Il m’a ensuite tendu les fameuses poitrines, je l’ai payé, on s’est regardés d’un air complice, un bref mais significatif instant, et je suis rentré, conscient d’avoir vécu un évènement marquant, en dépit de son apparente banalité.
Le constat
Cette anecdote m’a amené au constat suivant: plus la culture de la région que l’on visite est éloignée de celle de notre lieu d’origine ou de résidence (que ce soit par la langue, les us et coutumes, etc.), plus on peut se retrouver dans des circonstances déstabilisantes. Et plus on se sent dépaysé, plus on peut, souvent sans même s’en rendre compte, poser des gestes inappropriés ou dire des choses déplacées. Pendant les secondes qui suivent un tel incident, si on réalise qu’on vient de faire une bourde, on peut ressentir une gêne difficile à cacher. Comment réagir, lorsqu’on a l’air stupide en voyage?
La bonne réaction
Il faut en rire. Toute autre réaction ne ferait que renforcer le malaise. Rire désamorce les tensions qui ont pu naître de la péripétie et montre à ses témoins notre capacité à accepter nos faux pas et notre ouverture à partager une émotion intime. Cette humilité parle aux gens, elle crée des liens, car, comme tout le monde, ils ont eux aussi déjà vécu des moments embarrassants. Après tout, chaque communauté possède ses codes et personne n’est à l’abri des transgressions de ces codes, des erreurs de jugement, des lectures malhabiles de situation. Avoir l’air stupide est par conséquent un phénomène universel. Pourquoi alors ne pas en retirer du plaisir, lorsqu’on le vit?