– Qu’est-ce qui pousse un Nantais de 23 ans à entreprendre un tour du monde?
En 2007, je me suis débrouillé pour partir 9 mois aux États-Unis pour travailler à Walt Disney World. À l’époque ma motivation principale, c’était d’améliorer mon anglais et d’avoir une expérience de l’étranger (=me changer les idées). Il y avait des milliers de jeunes étrangers qui y travaillaient comme moi, j’étais en coloc avec un Thaïlandais, un Coréen, un Kosovar, un Chinois. Je travaillais avec des Mexicains, des Philippines, des Brésiliennes, et dans l’attraction d’à côté il y avait des gens d’Afrique du Sud, de Norvège, etc. Et pas mal d’Américains évidemment. Tout ça m’a énormément plu, je me suis rendu compte de pas mal de choses, ça a énormément élargi mes horizons, ça m’a ouvert les yeux sur certains clichés, attentes, et surtout je me suis beaucoup amusé. Je pense que c’est comme ça que j’ai choppé le virus du voyage. Quand je suis revenu, je n’avais qu’une envie, c’était de repartir. J’ai fait un tour d’Europe en train d’un mois avec un ami, grâce au billet InterRail, et quelques petits voyages. Bref, je me suis rendu compte qu’il y a très peu d’endroits (voire aucun) dans le monde où je n’aimerais pas aller, et pas mal d’endroits où j’aimerais vraiment aller. Le projet a grandi tranquillement, j’ai continué mes études en alternance (ce qui m’a permis d’économiser) et puis je me suis dit que si je le faisais pas maintenant, je le ferais jamais.
– Comment ton entourage a réagi lorsque tu lui as annoncé ton projet?
Les gens ont un peu de mal à te prendre au sérieux, ou du moins à croire que tu vas vraiment le faire. Ma mère avait peur (elle a toujours peur d’ailleurs), mon père était un peu dubitatif. Au final les gens sont plutôt admiratifs et envieux, je crois. Ils ont aussi peur pour toi. La plupart te disent aussi « ha oui je sais qu’il y a le fils de la soeur d’un ami à mon coiffeur qui a sa nièce là-bas, si tu veux je lui demande le contact pour t’aider » (plus ou moins). C’est très gentil, mais je ne voyage pas pour retrouver la France autour de moi :)
– Sur ton blogue Le vrai monde, tu affirmes faire ce que tu espères être un tour du monde. Tiens-tu vraiment à faire un tour du monde ou préfères-tu simplement voyager au gré de tes désirs, quitte à ne pas accomplir un tour du monde?
J’aimerais faire le tour du monde, juste histoire de pouvoir dire « je l’ai fait », mais au final peu importe, je veux effectivement voyager comme il me plaît, même si ça veut dire que je n’irai peut-être pas jusqu’au bout. En fait, ça dépend principalement de l’argent qui me reste, c’est ma plus grosse limite.
Je ne veux surtout pas rusher le truc et ne pas en profiter. J’ai eu un peu ce sentiment sur mes premiers mois, car je savais que mes parents viendraient me rendre visite à une date précise au Pérou, donc j’ai dû me « presser » à certains moment. C’est aussi pour ça que je me suis arrêté au Brésil depuis quelques mois, ça me plaît, j’y reste. Je repartirai quand je voudrai!
– Bien des voyageurs commencent leur tour du monde par l’Asie, l’Océanie ou l’Amérique du Sud. Or tu as commencé le tien en Amérique du Nord. Pourquoi?
Surtout pour des raisons pratiques. Je voulais commencer par les pays les plus chers (Canada, USA) et finir par l’Asie où je devrais dépenser moins, normalement. Aussi, comme je voulais partir en septembre, ça allait pour le Québec où il fait pas encore TROP TROP froid. Et puis je descendais vers le Sud donc c’était tout bon niveau saison.
Une autre raison, c’est que je voulais commencer « doucement ». Le Québec, ça parle français, on reste dans une culture pas trop éloignée de l’Europe (par rapport aux pays arabes ou asiatiques par exemple), c’est tranquille. Puis les USA, un pays que je connais déjà, avec une langue certes étrangère mais que je maitrise bien. J’avais hâte de retourner dans ce pays que j’adore. Et puis je corse petit à petit la difficulté, je quitte les pays développés et ma petite bulle de confort avec le Mexique et l’Amérique centrale, surtout que je parlais à peine espagnol avant d’y aller. Là je suis au Brésil, d’un côté c’est encore un niveau au-dessus vu que je n’ai jamais pris un seul cours de portugais, mais ça reste du latin, et puis ensuite je veux enchaîner sur l’Asie, histoire d’être bien complètement paumé :)
– Que penses-tu de la poutine?
Je suis ravi de voir que cette question est rangée dans la catégorie « sérieuse », parce qu’on déconne pas avec la poutine! Je pense que c’est effectivement un monument indispensable de la culture québécoise, et un délice. Pourtant ça parait si simple… Je félicite les Québécois pour cette merveille et je me demande encore pourquoi c’est introuvable en France. Le mec qui importe ça va être riche. J’ai testé seulement l’originale, mais rien que pour tester les autres je retournerais au Québec.
– Comment ton blogue a évolué depuis ton départ, en septembre 2010?
Je pense que mon écriture a évolué un peu, je sélectionne un peu plus ce que je raconte, je mets plus de photos aussi. Mais en gros, on reste sur la même idée, raconter les situations plutôt que les lieux (même si ça m’arrive).
– Qu’est-ce que l’écriture de ton blogue t’a apporté, au plan personnel?
Heu… un peu d’argent via la pub! À part ça, sincèrement, comme ça, à chaud, je trouve pas que ça m’ait fait grandir ou quoi que ce soit. Je verrai peut-être ça d’un autre oeil à la fin du voyage.
– Dans ton texte « C’est parti », tu affirmes désirer voir « le vrai monde ». Est-ce parce que, d’ordinaire, tu as l’impression de vivre dans un « faux monde »?
Depuis mon voyage aux USA, je me suis rendu compte qu’on vit tous plus ou moins dans une bulle. On pense connaître les choses, parce qu’on a la TV, internet, tout ça, mais ça n’a pas grand chose à voir quand on le vit (même si parfois c’est exactement comme on l’imaginait). Des choses qui paraissent évidentes pour nous en France ne le sont pas forcément à l’autre bout du monde. C’est quelque chose d’assez dur à expliquer à quelqu’un qui n’a pas voyagé.
Donc non, je n’ai pas l’impression de vivre dans un faux monde, mais bien dans un monde très limité, dans un oeuf. « Le vrai monde », il y a aussi un côté cynique dans cette formulation. C’est quitter le côté un peu « bisounours » de la France, pour se rendre compte qu’au Guatemala ils sont obligés d’avoir un garde armé d’un gigantesque flingue devant chaque distributeur. Se rendre compte du sens du mot « inégalités » en se baladant dans les rues de São Paulo. Se prendre une claque dans la gueule en voyant le poids énorme de la religion dans presque tous les pays où je suis passé depuis le début de mon voyage. Ça, c’est la réalité de la vie, c’est avec ça que sont nés ces gens-là et qu’ils ont grandi, et c’est ce genre de prise de conscience que je cherche.
Quand je dis voir le vrai monde, je parle aussi de ce qu’il a de beau à nous offrir. Je reviens tout juste d’une semaine aux chutes d’Iguazú, à la frontière Brésil – Argentine. Quand tu vois ce genre de spectacle, ça te rappelle que tu es vivant, que tu es petit, et qu’il y a des tas de choses que tous les humains devraient avoir la possibilité de voir.
– Pourquoi portes-tu un t-shirt « I love Petit beurre » dans un maximum de sites touristiques?
C’est un cadeau que mes amis m’ont fait avant de partir, avec comme mission de me prendre en photo avec dans tous les endroits un peu spéciaux. Le petit beurre, c’est une des spécialités nantaises.
– La question que tout le monde se pose: laves-tu régulièrement le t-shirt « I love Petit beurre »?
Je le lave mais le logo s’efface petit à petit!
– Que feras-tu avec le t-shirt quand tu auras terminé de voyager?
J’avais jamais pensé à ça, tiens. J’imagine qu’il aura une signification particulière pour moi, oui. J’arrêterai sûrement de le porter ;)
– Quelles expériences tiens-tu absolument à vivre durant ton voyage?
L’expérience humaine, l’expérience culinaire et l’expérience linguistique. L’expérience humaine, c’est rigoler un bon coup avec les gens, parler avec eux et échanger autour de choses simples. J’aime beaucoup rencontrer les personnes âgées ou les enfants parce que la plupart du temps ce sont des personnages. Ils ont quelque chose qui les rendent sympathiques.
Le culinaire, c’est la découverte de nouvelles sensations quand tu goûtes quelque chose pour la première fois (même si ça doit être les sauterelles grillées d’Oaxaca), c’est le fait d’être accro au açaï après quelques mois au Brésil et se dire que le jour où tu partiras, ça aussi ça va te manquer, c’est ce petit sentiment d’impatience quand tu rentres au Mexique et que tu te dis « yes à moi les tacos ».
L’expérience linguistique, c’est faire l’effort d’apprendre au moins quelques mots [de la langue] du pays que tu visites et de voir les gens amusés devant tes pitoyables tentatives. Depuis que je suis parti, je suis arrivé à un niveau pas trop mauvais en espagnol (depuis le Mexique jusqu’à la Bolivie, je parlais que ça), et avec tout le temps que j’ai passé au Brésil, plutôt bon en portugais. Apprendre la langue du pays, ça t’ouvre 10 000 portes supplémentaires.
C’est pour ça que je suis un gros fan de « couchsurfing », ça combine souvent les trois. Et il n’y a pas le coté monétaire des agences de voyages (qui enlève beaucoup de sincérité je trouve).
– Quelles sont tes prochaines destinations?
Mon programme général n’a pas vraiment changé, après le Brésil, je pars sur l’Argentine et ensuite peut-être le Chili. De là j’irai en Australie, peut-être en passant par la Nouvelle-Zélande d’abord, et j’enchaînerai ensuite sur l’Asie. Mais tout ça peut changer du jour au lendemain, je n’ai pas d’impératifs. J’ai fait mes premières expériences de voyage en stop récemment, je pense que je vais essayer de le refaire.
La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.
Merci Stéphane pour ce billet, j’ai l’impression d’être une star ;)
Y a pas de quoi, Julien! Et oui, ton impression est juste: tu ES une star!