13 questions sérieuses à Corinne

      11 commentaires sur 13 questions sérieuses à Corinne

Corinne, lors d'un mariage traditionnel bouddhiste au Sri Lanka (photographe inconnu)

Pour plusieurs, travailler tout en voyageant n’est qu’un grand rêve. Or, grâce au développement des technologies de l’information et de la communication, ce rêve est de plus en plus accessible. Corinne Stoppelli vit maintenant ce rêve au quotidien. Son blogue, Vie Nomade, relate son parcours de travailleuse indépendante en Suisse à « technomade » explorant l’Asie. Elle a gracieusement accepté de prendre quelques minutes de son temps pour répondre à 13 questions sur son histoire, son mode de vie et bien plus.

– Comment t’est venue l’idée de devenir « technomade »?

J’ai toujours rêvé de voyager, beaucoup. Je ne savais pas trop comment faire au départ: pour moi le voyage se résumait à ces quelques semaines de vacances que l’on peut se permettre par année. Et puis j’ai réalisé qu’avec mon travail en tant qu’indépendante, je passais la majeure partie de mon temps à travailler seule, à la maison: les rendez-vous avec les clients étaient plutôt rares. J’aurais très bien pu exécuter le 95% au bord d’une plage.

Au même moment, sur le Web anglophone, commençait à fleurir toute une littérature sur le thème « voyager pour toujours sans être riche ». Si d’autres pouvaient le faire, alors moi aussi.

– Quelles réactions a suscité ton projet, autour de toi?

Ma famille était effrayée, ma mère surtout. L’idée d’une fille unique qui se balade dans des contrées inconnues et incertaines n’est pas faite pour rassurer. Quelques amis pensaient que ce n’était qu’une utopie, que j’allais rentrer en courant dans mon petit confort, ou que je ferais banqueroute. Mais j’ai aussi été gratifiée d’énormes encouragements d’amis proches, qui m’ont accompagné dans mes démarches… et puis, mes lecteurs ont aussi été très positifs et curieux, c’était aussi un excellent coup de pouce.

– Comment as-tu vécu le passage du rêve à la réalité?

J’ai pris deux ans pour tout mettre en place. Idées, paperasse… mais aussi, faire de l’ordre dans mon environnement affectif et émotionnel.

Rien n’a été simple. On n’est jamais vraiment préparé pour un changement d’une telle ampleur.

– Quelles sont les étapes incontournables pour devenir technomade?

Dématérialiser. Petit à petit, il m’a fallu rendre tout léger, me préparer à me débarrasser de l’inutile pour voyager léger. Et pour cela, il me fallait avant tout identifier les problèmes: « qu’est-ce qui me pèse, m’encombre? »

– Quelles qualités, compétences, équipement, etc. sont nécessaires pour adopter ce mode de vie?

Il faut savoir oser, ne pas se limiter à rêver. Savoir sauter sur les opportunités qui se présentent, accueillir l’aléatoire. Il faut savoir aller à la rencontre des gens et de leur différence, avoir un esprit ouvert, ne pas juger.

Je ne pense pas qu’il y ait un équipement et des compétences spécifiques requises.

– Quels sont les plus grands défis liés à l’adoption de ce mode de vie?

Les relations: impossible de penser à long terme! En voyage, on rencontre une foule de profils intéressants, on apprend à s’attacher très vite pour tirer le maximum de nos rencontres… mais cela se termine le plus souvent prématurément, et dire adieu n’est jamais chose simple.

Les éternels recommencements: si l’on bouge beaucoup et que l’on change de contexte culturel de manière considérable, il faut se réadapter, rapidement, constamment.

Les plus grands défis restent pour moi d’ordre émotionnel et non pratiques ou financiers.

– Que représente Vie Nomade pour toi?

Il y a quatre ans, c’était mon carnet de bord: j’y marquais tous mes progrès, tous mes projets. Cela m’a donné une bonne ligne de conduite, m’a forcé à progresser avec un rythme stable. Il fallait que je prouve aux gens que mon aventure était possible.

Après le départ, c’est devenu plus expérimental: un mélange de sensations, d’expériences, de découvertes… toujours avec l’objectif de montrer au monde que l’on peut choisir la vie que l’on souhaite et profiter de chaque instant. Il suffit de s’en donner les moyens.

– Sur ton blogue, tu parles avec beaucoup de transparence de ce que tu vis et de ce que tu souhaites vivre, comme en témoigne ta liste « Avant de m’éteindre ». T’arrive-t-il de te relire et de te dire que ce que tu as écrit est trop personnel pour être publié? Quelles limites t’imposes-tu, quand vient le temps d’écrire?

Je suis toujours un peu indécise. Je dois avouer ici que ma première source de censure est l’idée que ma mère lise mon blog ;) De nature plutôt craintive, je n’ai pas envie de lui causer plus de soucis qu’elle n’en a déjà… ou de lui lancer à la figure une facette de moi qu’elle n’est peut-être pas prête à accepter. Elle me contredira certainement, aujourd’hui… on s’y fait… alors je me laisse de plus en plus aller.

– Pourquoi as-tu choisi de t’établir en Asie?

Pour l’instant, l’Asie est une étape (bien que je l’adore, cette étape). Mais je compte bien voir le reste aussi!

– En parlant avec plusieurs de mes amies, j’ai réalisé que nombre d’entre elles éprouvent des craintes face à l’idée de voyager seule. As-tu ressenti de telles craintes? Si oui, comment les as-tu gérées?

Oui, bien souvent. J’ai pris un peu plus de précautions là où j’ai estimé que c’était nécessaire. Mais pas de « surparanoïa »! Si l’on veut profiter, souvent, il faut risquer.

Et puis voyager « seule » c’est un grand mot finalement. On finit toujours (très vite) par rencontrer d’autres voyageurs ou se faire des amis sur place qui s’assureront une sécurité mutuelle.

J’ai été poursuivie dans les rues de Paris alors qu’il n’était pas même minuit… les risques sont les mêmes partout.

– Quelles sont les différences entre voyager pour le plaisir et voyager tout en travaillant?

Je dirais aucune. Je pense que je m’ennuierais si je n’avais pas à travailler. Et les locaux, ils ont leur quotidien, leur boulot aussi. Si on reste trois mois dans une ville, au bout d’un moment on a fait le tour. Autant s’occuper à quelque chose d’utile! Peut-être que c’est comme de lire un bouquin sur la plage. Je travaille à la place. Un passe-temps?

– Qu’est-ce que tu aimes le plus de ton mode de vie actuel et qu’est-ce tu en aimes moins?

J’aime avoir l’impression que tout est désormais à ma portée. Je me sens libre d’aller et venir, où je veux, quand je veux. Les distances sont devenues une simple formalité. Il reste bien entendu le coût, limitant, pour sauter d’un continent à l’autre, mais il y a souvent bien plus à découvrir sur place que ce que l’on espérait – traverser le monde n’est pas obligatoire pour profiter.

J’aime moins la question des relations que j’ai abordée plus haut. Mais force est de constater que ça ne m’a jamais vraiment limité.

– Comment vois-tu ton avenir?

Riche, coloré, plein d’aventures! Ces deux dernières années ont été si pleines d’émotions et de sensations que j’ai l’impression qu’elles équivalent chacune à dix de mes années précédentes. Je ne veux jamais m’arrêter… je ne peux plus m’arrêter.

Parfois, il m’arrive de penser à mon futur lointain. Qu’arrivera-t-il lorsque j’aurai du mal à me déplacer? Peut-être serai-je seule, peut-être ne saurai-je pas où m’arrêter, peut-être n’aurai-je pas les moyens de subsister. C’est inquiétant, mais pour l’instant, je ne veux pas y consacrer trop d’attention. Demain est déjà bien assez loin!

La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.

11 thoughts on “13 questions sérieuses à Corinne

  1. Lucie

    Merci pour cette très belle interview qui permet de connaître un peu plus Corinne et qui nous permet aussi de voir que les rêves peuvent devenir une réalité avec de la volonté et de l’acharnement

    Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci Lucie! Je trouvais que Corinne avait choisi un mode de vie très intéressant et je me disais que son expérience pouvait inspirer mes lectrices et lecteurs à en faire autant. Je suis donc heureux de voir que tu as apprécié cette entrevue.

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  2. Pingback: Entre Taipei et Manille, là! | Vie Nomade

  3. NowMadNow

    “Accueillir l’aléatoire”, j’aime beaucoup ce parti-pris :)

    Merci Stéphane pour cette interview qui nous permet de découvrir une autre facette de la demoiselle.

    NowMadNow

    Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      En effet, c’est une belle philosophie. Parfois difficile à mettre en pratique, mais tellement enrichissante, quand on ose l’adopter.

      Y a pas de quoi, Aline, merci pour ton commentaire. Je crois qu’on est plusieurs à avoir apprécié découvrir une autre facette de la demoiselle…

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  4. Pingback: Rencontre "interblogues": Corinne Stoppelli, de Vie nomade |

  5. Haydée

    Les questions sont très biens et les réponses aussi. Comme je suis de temps à autres les aventures de Corinne, j’avais déjà vu cet état d’esprit qui est toujours plaisant à lire. Courage pour la suite !

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  6. Pingback: Corinne Stoppelli – Come lavoro ovunque nel mondo grazie a internet | GiorgioTasca.com

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