Le 2 février dernier, je marchais sur le trottoir, à Battambang, à la recherche d’un endroit où manger, quand un homme à moto s’est arrêté à ma hauteur. Il s’appelait Narath et il m’a demandé si je parlais anglais (mon look de touriste ne ment pas); je lui ai répondu que oui. Il m’a alors expliqué qu’il avait fondé une école dans le village de Slarkram (1400 habitants), école où l’on enseigne l’anglais à des jeunes défavorisés et des jeunes atteints du VIH et qu’il demandait aux touristes qu’il rencontrait s’ils voulaient bien consacrer une heure de leur temps – bénévolement – pour aller dans une classe, afin de parler aux élèves et de les aider à pratiquer quelques notions d’anglais. Il m’a laissé son dépliant et je lui ai dit que j’y penserais. J’ai alors été souper et, en attendant mon plat, je me suis dit que je devais vivre cette expérience. Que c’était une chance à saisir. En revenant à mon auberge, j’ai écrit à Narath pour lui demander quand je pourrais visiter l’école. Il m’a dit de passer le lendemain, à 17 h. Je lui ai confirmé que j’y serais.
Le cours
Le lendemain, j’ai négocié le prix d’un tuk tuk (5 $ US pour l’aller-retour) et, à l’heure appropriée, je me suis rendu là-bas. Un trajet agréable, qui m’a permis de voir un peu de la vie dans ce coin rural. Arrivé à l’école, j’ai essayé de rencontrer Narath, j’ai questionné plusieurs personnes, mais on m’a dit qu’il n’était pas là. D’autres enseignants se trouvaient sur place et ils m’ont alors guidé dans le déroulement des activités. On a d’abord discuté quelques instants: de l’école, de mon voyage, de mon apprentissage de l’anglais, etc. Quelques enfants curieux nous écoutaient; je les ai salués et ils sont devenus tout à coup gênés.
Puis, ce fut le début des cours. J’ai d’abord été dans la classe d’une jeune enseignante; ses élèves avaient tout au plus 7 ou 8 ans et ils étaient très enthousiastes. Elle leur a fait répéter quelques questions qu’ils avaient appris par coeur et je leur ai répondu avec beaucoup de plaisir. Ils étaient charmants, énergiques et pas toujours attentifs. De vrais enfants, quoi.
J’ai ensuite été dans une classe d’élèves plus âgés, des adolescents, cette fois. On a eu des échanges plus élaborés, car leur connaissance de l’anglais était bien sûr meilleure que celle des enfants. L’enseignant m’a laissé donner une partie du cours, tout en veillant à ce que je respecte le plan qu’il avait préparé. Je me sentais tout à fait dans mon élément. J’ai adoré l’ambiance. Les élèves voulaient apprendre, ils étaient motivés, malgré un soupçon de gêne. J’ai fait participer tout le monde, parce que c’était important de le faire. Quel moment fantastique. J’ai sans doute plus appris qu’eux, en ce vendredi. Qu’ils étaient beaux, ces élèves, avec leurs yeux pétillants. Leurs sourires éclatants. Leur désir d’apprendre. Leur désir de ne pas me décevoir. Leur humilité.
Trop vite, le cours s’est terminé. J’ai salué et remercié les élèves, j’ai discuté avec plusieurs enseignants et j’ai effectué un don à l’école. On m’a alors fait signer le Livre d’or de l’établissement. J’ai réalisé en regardant les signatures que, presque tous les jours, des touristes venaient ici pour connaître cette riche expérience. Or, par un drôle de hasard, dans un bus entre Phnom Penh et Sihanoukville, j’ai rencontré une Allemande qui l’avait elle aussi vécue. Et elle aussi en a été touchée.
Une réconciliation
Lors de mon retour en tuk tuk, je repassais dans ma tête le fil des évènements et je me disais qu’ils pourraient changer ma vie. J’avais donné une charge de cours à l’Université de Sherbrooke, à l’automne 2004, et j’avais eu des sentiments partagés face à mon expérience. Je n’étais alors sans doute pas prêt pour ce type de défi. Mais ce jour-là, dans cette école de Slarkram, je l’étais. Et je me suis réconcilié avec l’enseignement. Je fais présentement un tour du monde, je ne sais pas quand je reviendrai au Québec, ni ce que je ferai exactement à mon retour, mais je caressais déjà l’idée d’enseigner le français aux immigrants. Eh bien, avec ce que j’ai vécu à l’école SLarkram, je pense que je sais, maintenant. Et dire que toute cette histoire est partie d’une rencontre sur un trottoir de Battambang, alors que je ne m’attendais à rien. C’est pour ce genre de moments que j’adore voyager.
Superbe expérience! Je comprends ton émotion, j’étais tellement prise d’amour pour ces jeunes quand j’ai visité l’école en Tanzanie. Je sais que je vais recréer ce moment, peut-être par hasard, comme tu l’as fait, car n’est-ce pas ainsi tellement plus riche?
Merci! J’avoue que le côté imprévu de l’histoire l’a rendue encore plus mémorable. Je te souhaite de goûter à nouveau à cette expérience.
J’avais très hâte de connaître les détails de ton expérience et je n’ai pas été déçue!
Merci! Content de voir que tu as apprécié mon texte.
Un hasard, mais une riche expérience pour toi apparemment. Tu as fait le bon choix en allant visiter cette école!
Un beau hasard, oui, ce fut vraiment enrichissant. J’essaie de rester ouvert à ces possibilités et, habituellement, je suis rarement déçu par ce que je vis.
Tu as raison, il faut rester a tout hasard et opportunités, on ne sait jamais!
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