Les tournées musicales constituent une façon de voyager moins typique, mais tout de même fascinante. Par contre, peu de musiciens parviennent à vivre cette expérience: c’est qu’ils doivent d’abord perfectionner leur art pendant un certain temps, avant de susciter un intérêt assez grand pour trouver une place sur une tournée. Et beaucoup ne possèdent pas la patience et la détermination pour réaliser ce rêve. Or Janick Lavoie, anciennement guitariste du groupe rap/métal québécois Guérilla, a eu l’occasion d’effectuer trois tournées en Europe. Connaissant sa passion pour les voyages, j’ai su qu’il était le candidat parfait pour une entrevue sur les tournées comme manière de voyager. Dans cette entretien, il nous offre un aperçu de l’envers du décor, quand les projecteurs sont éteints.
Décris brièvement tes expériences en matière de tournée.
Avec mon groupe Guérilla, j’ai fait trois tournées en Europe, pour une trentaine de concerts. Nous avons joué en France, au Pays Basque, en Belgique, en Italie et à Malte. Nous avons ouvert entre autres pour Lofofora, Marcel et son orchestre, Tagada Jones et Linea 77.
Qu’est ce qui différencie une tournée des autres types de voyage?
En tournée tu as peu de temps pour visiter. Lors de notre première tournée, on a fait neuf concerts en onze jours. On a fait en trois soir, Turin-Montpellier-Ellorio. Tu as moins de flexibilité en tournée qu’en voyage “normal”.
Quels sont les meilleurs côtés d’une tournée et quels en sont les côtés moins intéressants?
La découverte de nouvelles villes et de nouveaux gens est un côté vraiment intéressant. Les rencontres, les nouveaux contacts aussi. Du côté moins intéressant, il y a les déplacements, c’est souvent long. De plus, on n’apportait pas tout notre matériel, donc on dépendait des autres groupes pour du stock.
Comment se déroule une journée “normale” de tournée?
On se lève tôt, on fait de la route (parfois 600-800km). On arrive à la salle, on fait le soundcheck. Ensuite on marche dans le quartier de la ville si on a du temps. Concert et après on se couche. Si on ne joue pas le lendemain, on sort.
Comment gères-tu les différences de personnalités au sein du groupe, une fois sur la route?
C’est une chose difficile, car deux semaines [à vivre] à quatre ou cinq, les personnalités s’entrechoquent parfois et on dort tous ensemble, on a peu de temps pour décanter. Mais on s’entend tout de même relativement bien. Il faut aussi dealer avec ceux qui veulent sortir et ceux qui veulent aller se coucher après les concerts. Parfois l’hôtel est loin de la salle. Il faut dire aussi que les trois premiers voyages que j’ai faits dans ma vie étaient avec mon groupe. Je ne savais pas trop comment voyager. Aujourd’hui, après avoir visité plus de vingt pays, ça serait différent.
Comment se déroulent les passages aux douanes, quand on est musicien en tournée?
En France, on n’a jamais eu de problème, c’était pré-11 septembre 2001 il faut dire. On a eu plus de problèmes en revenant, en fait. Mais la grosse histoire qu’on a eue, c’est après s’être fait voler à Rome, on prend l’avion avec le reste de notre équipement et en arrivant aux douanes, il nous empêche d’entrer TOUS nos instruments. Le douanier prétendait que Guérilla était très connu à Malte et que sa fille écoutait ça. Qu’on allait voler des jobs… On a dû laisser notre matériel en consigne et jouer avec les guitares-basse-batterie d’autres groupes.
Quels sont les plus grands mythes associés à la vie de tournée?
Que l’on fait de l’argent et que l’on se pogne plein de filles.
Quelles qualités doit avoir une personne qui souhaite devenir un musicien qui fait des tournées?
Ouvert, flexible et low maintenance.
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaite adopter ce mode de vie?
Foncez et faites-vous des contacts. N’attendez pas après personne, surtout pas après des subventions, organisez votre tournée. Tentez de trouver deux-trois premières parties solides et construisez autour de cela.
Quelle a été ta meilleure expérience de tournée et quelle a été ta pire?
On a fait trois dates avec Lofofora dans des salles de 800 personnes. Dans la même tournée, on a joué devant 2000 personnes en Italie avec Linea 77. La tournée avec Mass Hysteria au Québec était très bien aussi. La dernière tournée a été terrible. On a eu deux mauvais shows qui ont ruiné l’ambiance. C’est pendant cette tournée que notre chanteur a quitté le groupe. On s’était même fait accuser d’avoir volé du matériel dans une salle. On a perdu beaucoup d’argent dans cette tournée.
Quelles leçons as-tu retirées de tes tournées?
J’ai adoré, ça m’a donné la piqûre du voyage et je n’arrête pas depuis.
Quelle serait ta tournée de rêve?
Deux mois en Europe l’été avec quelques festivals.
Quels sont tes projets, tant au plan des voyages que de la musique?
J’ai abandonné la musique pour de bon, je n’ai pas le temps et le goût. Sinon pour le voyage, j’aimerais bien dans les prochains voyages faire le sud de l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et la Scandinavie.
La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.