Au cours de mon séjour en Inde, j’ai effectué un arrêt de trois jours à Varanasi (aussi appelée Bénarès), célèbre lieu de pèlerinage hindou. Les fidèles viennent se baigner dans le Gange, le fleuve sacré de l’hindouisme. Ils considèrent que cette action les lavera de leurs péchés. D’autres viennent ici pour rendre leur dernier souffle; pour un hindou, mourir ici représente la mort la plus digne qui soit, car elle libérera leur âme des tourments de la vie humaine. Leur corps sera ensuite incinéré sur les rives du Gange, lieu de passage vers une nouvelle étape dans le cycle de la vie.
Bateaux, touristes, ablutions, musiciens et crémation
J’ai donc eu la chance de faire un tour de bateau sur le Gange tôt le matin, le 14 juillet. C’est une activité populaire auprès des touristes, comme en témoignent les nombreuses embarcations qui circulent sur le fleuve avec à leur bord des hordes de photographes curieux de croquer des scènes dont ils ont beaucoup entendu parler. Appareil photo en main, ils saisissent chaque instant des rituels auxquels ils assistent. Ces rituels ont lieu sur les ghâts, les marches qui mènent au fleuve. Ces marches se concentrent sur une bande riveraine d’environ cinq kilomètres.
Pour ma part, j’ai vu des touristes qui surmenaient leur appareil photo, des gens qui faisaient leurs ablutions, des musiciens en action et même un corps en train d’être incinéré.
À noter qu’il est interdit de photographier les crémations, tant sur terre que sur l’eau. Notre guide a meme demandé à une des passagères du bateau dans lequel je me trouvais de ne pas prendre en photo la crémation en cours sous nos yeux. Curieux, j’ai demandé à mon guide:
“Les crémations ont lieu toute la journée? Je croyais qu’elles ne se déroulaient qu’en fin d’après-midi.”
“Oui, elles se déroulent toute la journée. 200 corps sont incinérés ici chaque jour.”
Silence dans le bateau. Moment solennel.
Une collision d’univers
Varanasi, c’est une drôle de rencontre d’univers: le sacré pour les hindous, le commerce pour bien des Indiens, la culture hindoue pour les touristes. Univers conciliables? Apparemment. Dès le lever du soleil, les ghâts et le quartier environnant s’activent. Les fidèles, les commerçants, les chauffeurs de rickshaw et de taxi et les touristes se dirigent vers le fleuve, chacun poussé par un but précis. Des buts bien différents: prier, expirer, vendre, arnaquer, photographier, vivre une expérience culturelle extraordinaire.
Je ne pense pas que les touristes comprennent vraiment ce qu’ils voient, quand ils viennent ici. Ce rapport que les hindous entretiennent avec la mort est bien plus complexe qu’il n’y paraît: il touche aux croyances les plus intimes de millions de personnes. Ramener toute cette question au seul côté “spectaculaire” des crémations s’avère très réducteur. Il y a plus, beaucoup plus. Je sais que je ne réalise pas l’ampleur de ce que j’ai vu. Je sais que je vais y réfléchir longtemps. Je vais lire sur le sujet. Et j’essaierai de mieux saisir cette réalité dans toute sa complexité. Dans toute sa beauté.
Au-delà du Gange…
À part le fascinant tour sur le Gange, Varanasi m’a plutôt déçu. Une ville aux prises avec les mêmes plaies que les autres grandes villes indiennes: trafic infernal, pollution oppressante, bruits incessants, densité de population élevée (la ville compte tout de même plus de trois millions d’habitants). Et moi qui croyais, bien naïvement, qu’elle ressemblerait à une petite ville comme Pushkar. Perception ô combien fausse. De plus, j’ai fait un tour de ville en taxi et, en deux heures, je n’ai visité qu’un seul temple et j’ai vu le campus de l’université. Le reste du temps a été passé dans le trafic. Ma conclusion? Varanasi mérite qu’on s’y arrête pour le tour de bateau sur le Gange, mais sinon, je crois qu’il est préférable de s’y attarder le moins longtemps possible. En revanche, Varanasi peut servir de point de départ pour Khajuraho, la ville aux temples érotiques. Un endroit à découvrir… plus de détails dans un prochain billet.
Pour qui s’intéresse un petit peu à l’Inde, Bénares est un nom fort en symboles !!! ce billet est vraiment magnifiquement illustré.
Oui, c’est un nom qui fait rêver. C’est un lieu unique. Et merci pour tes bons mots, je les apprécie.
Billet très intéressant, comme toujours. Écriture vivante et imagée. Du vrai bon Pageau comme on l’aime. Continue, Stéphane. Tu nous fais voyager avec toi et on en a bien besoin!
Merci pour tes bons mots, Martin. Merci aussi de me suivre avec autant d’intérêt. Content de voir que je vous aide à voyager, c’est un de mes buts.
C’est un très bon article Stéphane. N’hésite pas à nous faire part de tes réflexions quand tu auras approfondi un peu plus le sujet…
Merci Lucie! Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour réfléchir à tout ça… alors patience.