Six mois déjà que je suis revenu de mon tour du monde. Je n’ai cependant pas beaucoup parlé de cette période de transition, sur ce blogue. C’est que, en toute honnêteté, je ne voyais pas l’intérêt d’écrire des bilans mensuels après mon retour. Mon quotidien est devenu beaucoup plus routinier depuis, le rythme de ma vie est aujourd’hui beaucoup moins trépidant que quand j’étais sur la route. Mais, une demi-année après mon retour, j’ai vécu assez d’expériences, j’ai pu prendre assez de recul pour faire un bilan. Et de le croire assez pertinent pour le publier.
Oui, le choc du retour existe
Dans le bilan que j’ai publié deux mois après mon retour, j’affirmais ne pas avoir encore ressenti de choc du retour. Eh bien, je peux maintenant confirmer que j’en ai vécu un.
Selon mon expérience personnelle et d’après des conversations que j’ai eues avec d’autres voyageuses et voyageurs, ce choc ne survient pas dès le retour. Non. Il survient plutôt une fois qu’on a revu notre famille et nos ami-es, une fois qu’on a retrouvé un toit au-dessus de notre tête, une fois qu’on a recommencé à travailler, une fois que l’effet nouveauté de la routine retrouvée s’est estompé. On se lève un matin et boum! un mur. On repense sans arrêt à notre voyage. On regarde nos photos et vidéos avec nostalgie, voire mélancolie. On se rappelle des personnes rencontrées et on écoute Wish You Were Here plus souvent qu’on ne le devrait. Bref, on vit dans le passé, non dans le présent, et l’avenir ne semble pas exister. Comme si on avançait à reculons. On ne se rend alors pas nécessairement compte de notre état d’esprit, on n’a pas encore pris la distance nécessaire pour évaluer correctement la situation.
On a beau savoir que ce choc risque fort de nous happer, on a beau se dire que nous, on évitera cette période difficile, car on a lu sur le sujet, car on connaît des gens qui l’ont expérimentée, car on l’a peut-être même déjà vécue, mais en vérité, je pense que toute voyageuse, tout voyageur passera par là, à un moment ou à un autre du retour. Cependant, il s’agit d’une étape importante, quoi qu’on en pense. Elle permet de tourner définitivement la page sur un chapitre majeur de notre vie, elle permet de se préparer au prochain. Un passage obligé. Ardu, mais obligé. Bien sûr, revenir d’un voyage de deux semaines n’aura pas le même impact que revenir d’un voyage de plusieurs mois. Mais, quand même, le voyage possède ce côté addictif qui le rend si irrésistible. En voyage, tout est plus intense, plus rapide, tout est amplifié, tout est éphémère, tout moment peut se transformer en anecdote incroyable, tout possède un potentiel d’euphorie. C’est pourquoi on se sent tellement vivant, sur la route. Le retour est donc une forme de sevrage, avec ses symptômes et ses traitements.
Évidemment, l’intensité du choc dépendra de chaque personne. Ainsi, l’une s’adaptera plus aisément à un changement brutal de rythme, alors qu’une autre restera accrochée à sa nostalgie d’un temps révolu. À mes yeux, cette capacité d’adaptation tient surtout à un élément: notre état d’esprit au moment du retour. Si on revient avec le sentiment qu’il était temps de rentrer, on éprouvera plus de facilité à s’adapter au changement. Si on revient alors qu’on ressent encore l’envie de voyager, on vivra un retour plus difficile. Ce sentiment d’achèvement ou d’inachèvement constitue par conséquent un facteur déterminant dans notre manière de gérer le retour.
Au-delà du choc
Mon amie Evelyne a écrit un excellent texte sur le choc du retour. Ce texte m’a aidé à prendre conscience de mon propre état d’esprit. Je me suis reconnu dans ce billet, car il exprime plusieurs sentiments qui m’habitaient au moment où je l’ai lu. Après cette lecture, j’ai dû me rendre à l’évidence: oui, je vivais un choc du retour. Ainsi, après un retour exaltant, j’ai vécu des mois de décembre et de janvier plus pénibles. Durant cette période, je baignais dans mes souvenirs, je ne trouvais pas toujours facile de renouer avec les personnes qui comptent pour moi, avec certains traits de ma culture, de mon lieu de résidence, etc. J’avais changé, mes priorités avaient changé et je sentais parfois un décalage entre celles-ci et celles des gens autour de moi. J’ai éprouvé une sensation d’isolement et je ne savais pas trop comment l’atténuer. Il existe toutefois quelques trucs pour sortir de cette solitude. J’y reviendrai.
Aujourd’hui, je sens que quelque chose est en train de changer en moi. Je recommence à rêver, à élaborer des projets (à suivre…). Je mets en place les fondations pour la prochaine étape. Certes, trouver de nouveaux buts, surtout quand on croit avoir réalisé le projet le plus important de notre vie, demande des efforts et du temps. À mon avis, ces nouveaux buts doivent venir de façon naturelle, ils doivent éveiller en nous la passion qui sert de carburant aux grandes réalisations. Pour certain-es, cette étape sera franchie rapidement, alors que pour d’autres, elle prendra plus de temps. Dans tous les cas, ce rythme doit être respecté, car forcer les choses mènera presque à coup sûr à des déceptions. L’important, c’est de faire les choses pour les bonnes raisons, pas simplement pour tromper l’ennui.
Une étape à ne pas négliger
Parmi tous les sujets liés au monde des voyages, le choc du retour est souvent négligé, dans la blogosphère. Pourtant, il constitue une étape majeure de tout voyage. Le changement de rythme au retour peut causer des problèmes d’adaptation, et ce, malgré les efforts pour adoucir la transition. C’est pourquoi il importe de rester attentif à ce que l’on éprouve et d’agir de façon à bien intégrer le passé dans le présent, afin de préparer un avenir excitant.
Excellent billet, Stéphane. Je te le dis, si tu veux repartir, fais un collecte de fonds sur Internet; tu serais surpris. Pour ma part, je donnerais volontiers 20 $ pour lire de nouveau ces intéressants billets que tu publiais presque quotidiennement.
Le Québec est une terre riche et pauvre à la fois… Je te comprends.
Merci beaucoup Martin! Ton idée est bonne, c’est juste que je préférais me lancer dans une telle aventure seulement si je peux offrir quelque chose en retour, à l’image des campagnes Kickstarter; sinon, j’aurais l’impression de profiter des gens et je n’aime pas ça. Il me suffit de trouver un projet qui pourrait donner tant à moi qu’aux autres. J’y réfléchis.
Cela n’est pas du tout facile en effet. Mon retour d’Erasmus a été très dur et je me suis morfondue plus souvent qu’à mon tour. C’était à l’époque la plus belle année de ma vie et je ne savais pas trop comment continuer. Heureusement, d’autres projets et rêves arrivent bien vite. Contente de voir que pour toi aussi des projets se forment. Bon courage.
Merci pour tes bons mots, Lucie. En effet, c’est le moment entre la fin d’un rêve et le début d’un autre qui est le plus difficile. Mais il faut persévérer et tout finit par rentrer dans l’ordre. D’ailleurs, tu dois commencer à avoir très hâte de partir…
Article très intéressant en effet, et rarement abordé tu as raison.
J’en avais parlé sur mon blog, 6 mois & 1 an après (http://www.curieusevoyageuse.com/retour-en-france-6-mois-plus-tard-ca-donne-quoi/ &http://www.curieusevoyageuse.com/retour-en-france-un-an-plus-tard/) et pour le coup, j’ai très volontairement positivé: comment garder son oeil voyager même chez soi, tel était mon credo. Et ça m’a bien aidé à passer le cap!
Merci pour ton commentaire, Aurélie! Je pense moi aussi qu’explorer sa ville (ou sa région) comme si elle était une nouvelle destination est le meilleur truc pour se remettre du choc du retour. Par contre, comme tu le mentionnes dans ton bilan d’un an après ton retour, parfois, on réalise que certaines amitiés ne nous stimulent plus autant qu’avant, qu’on est rendus ailleurs et qu’on ferait mieux de consacrer notre temps à des relations plus constructives. Pas toujours facile de faire ce tri, certes, mais c’est aussi une étape à ne pas négliger.