Le tourisme spirituel existe depuis très longtemps. Par exemple, les origines du Hajj remontent à plusieurs siècles. Les touristes qui s’y adonnent cherchent à vivre une ou des expériences spirituelles. Mais comment définir une expérience spirituelle? À mon avis, elle se caractérise par quatre éléments principaux:
4 caractéristiques fondamentales
– spontanéité: l’expérience doit survenir sans qu’on ne l’ait prévue. La surprise nous oblige à réagir de façon naturelle, vraie, ce qui nous ouvre à tout ce qui peut survenir ensuite;
– vulnérabilité: l’expérience doit nous forcer à sortir de nos zones de confort. Elle expose ainsi notre vulnérabilité, elle nous fait sentir nu-e, et ce, que l’on soit seul-e ou avec des gens. Cet instant de nudité pousse notre sensibilité à son paroxysme, à sa réceptivité maximale;
– unicité: l’expérience ne doit pas pouvoir être répétée de façon identique. Elle doit consister en un alignement de circonstances uniques. Si l’expérience est reproductible, elle perd alors sa spontanéité, elle se transforme en une mise en scène, elle devient préfabriquée et prévisible;
– apprentissage: l’expérience doit apporter au moins une nouvelle leçon, si minime soit-elle, à la personne qui la vit.
Un point litigieux
Ceci dit, à mes yeux, le spirituel se réconcilie mal avec l’argent. Certes, l’argent peut faire partie d’une expérience spirituelle. Par exemple, on paye pour l’accès à un site et ce site deviendra ensuite le théâtre d’une telle expérience. Toutefois, l’argent peut aussi dénaturer la spiritualité d’un moment: par exemple, les “prêtres” se trouvant sur les ghats de Pushkar, en Inde, exigent des touristes des dons élevés avec une insistance très désagréable, qui évacue toute sincérité de la rencontre.
Le piège des attentes
L’argent ne devrait donc pas être une condition essentielle à l’expérience spirituelle. Après tout, payer pour une expérience crée une attente envers celle-ci. Or tout moment vécu lors de l’expérience ainsi payée sera ensuite teinté par cette attente, une situation qui peut mener à un « effet placebo spirituel »: on espère tant vivre une expérience spirituelle que l’on finit par interpréter chaque sensation, chaque circonstance comme preuve d’une telle expérience. Par conséquent, on peut en venir à forcer les choses, on essaie de les faire coïncider avec notre attente, consciemment ou non. Certains ont bien compris ce phénomène, ont fleuré la bonne affaire et ont développé une industrie de la spiritualité autour de plusieurs lieux populaires de la planète. En bout de ligne, il revient à chaque personne de déterminer son degré de confort avec cette industrie.
Une question de discernement
Les expériences spirituelles enrichissent un voyage et peuvent apporter beaucoup aux gens qui les vivent. Par contre, l’argent et les attentes peuvent en altérer la qualité. Je pense que les critères que j’ai énumérés plus haut permettent de bien distinguer les expériences réellement spirituelles de celles qui paraissent l’être. Mais, au-delà de ces critères, je crois que le plus important est de rester ouvert à tout ce qui se présente à nous et de réagir avec intégrité.
Et vous, comment définissez-vous une expérience spirituelle?
Bonjour Stéphane!
Je suis justement en train de rédiger une série d’articles à ce sujet! Ton billet m’a beaucoup intéressé. Je le trouve pertinent si l’on part du principe qu’une expérience spirituelle une expérience circoncise dans le temps, comme une sorte d'”illumination”.
Toutefois, je pense que l’on peut également parler d’expériences spirituelles quand l’on décide d’entrer en retraite silencieuse ou bien de passer quelques temps dans un ashram pour vivre ce que l’on a à y vivre. L’argent ne rentre alors pas en ligne de compte (la contribution est libre de choix et de montant), mais le risque réside effectivement dans les attentes. Il en va d’ailleurs de même pour beaucoup de choses de la vie : plus on a des attentes fortes, plus l’on prend le risque d’être déçu!
Aussi, je pense que sous le terme “expériences spirituelles”, on peut ranger toutes les expériences, courtes ou longues, qui nous amènent à entrer en lien avec notre “Etre” et/ou avec le “Divin”.
Bonjour Lily,
Quelle coïncidence, alors…
Merci pour ton commentaire. Ton point sur les retraites silencieuses est intéressant; je n’ai jamais essayé cette activité, alors je ne saurais trop quoi en dire. J’ai toutefois vu que ces retraites étaient populaires auprès de plusieurs voyageuses et voyageurs. J’imagine qu’elles leur permettent de vivre certains types d’expériences enrichissantes. Une chose est sûre: on est d’accord sur la question des attentes. En avoir trop n’est pas nécessairement une bonne chose. D’accord aussi avec toi sur le fait que les termes “expériences spirituelles” regroupent une vaste gamme d’expériences. C’est un concept très personnel, très intime, alors c’est normal qu’il se décline de toutes sortes de façons. Quand penses-tu publier ta série d’articles?
Je pense les publier successivement courant juin!
Bien hâte de les lire… bonne rédaction!