Critique: “L’homme qui marche” de Jean Béliveau

Dépressif, Jean Béliveau ne savait trop quoi faire de sa vie. Puis, au fur et à mesure qu’il découvre les plaisirs de la marche et de la course, un projet naît dans son esprit. Il le prépare en secret et, le moment venu, il informe ses proches de ses intentions. Le 18 août 2000, le jour de son 45e anniversaire, il quitte tout et part à pied de Montréal avec 4000 $ en poche. Le 16 octobre 2011, il rentre à Montréal. Onze années à marcher autour du globe. Période durant laquelle il a usé 54 paires de souliers, traversé 64 pays et parcouru 75 543 kilomètres. “L’homme qui marche” raconte cette épique aventure.

Une quête personnelle

Dans ce livre, Béliveau partage avec franchise anecdotes et impressions. Il aurait pu adopter une attitude hautaine, du genre “j’ai vécu toute une aventure, moi”, mais tout au long des pages, on sent plutôt les doutes, les remises en question, les moments de faiblesse, de désillusion, de vulnérabilité. On perçoit également les joies, les rires, les moments d’extase, de bonheur. Au fil des lignes, on en vient à imaginer – un peu – le tourbillon des émotions vécues.

(crédit photo: http://www.flammarion.qc.ca/livre_l_homme_qui_marche_306)

(crédit photo: http://www.flammarion.qc.ca/livre_
l_homme_qui_marche_306)

Béliveau a écrit “L’homme qui marche” en collaboration avec la journaliste Géraldine Woessner. Ce travail d’équipe a donné une plume agréable, sans excès stylistique, un rythme soutenu, un texte fluide, qu’on suit sans effort. J’avais parfois de la difficulté à quitter le wagon de métro pour aller travailler, tant j’étais absorbé par les péripéties décrites. Mes chapitres préférés: celui sur la genèse du projet (“Le choix était simple: la mort ou la fuite. Mais il fallait que ce soit vers quelque chose de fou, d’extrême, de risqué… j’avais perdu mon âme. Je devais partir à sa quête.”, p. 24), celui sur le Soudan (Béliveau en dresse un portrait plutôt flatteur), ceux sur le Mozambique et l’Éthiopie et l’Iran. Ceux sur l’Australie et l’Afrique du Sud montrent des côtés moins sympathiques de ces pays, mais le ton est honnête. Bref, Béliveau raconte ses expériences telles qu’il a les vécues, sans les édulcorer, mais sans tomber dans la critique facile.

Au-delà de la marche

La marche de Béliveau a été reconnue par l’Unesco, dans le cadre de la décennie internationale dédiée à la paix pour les enfants. Or, détail intéressant, il ne s’était auparavant jamais perçu comme un grand voyageur, comme un explorateur:

“Est-ce que j’avais déjà, à l’époque, ces désirs de grands voyages, de grands départs? C’est une question qu’on me pose souvent, comme si le goût de l’ailleurs ou la soif d’aventure étaient inscrits quelque part dans les gènes, dès avant la naissance. Les gens semblent parfois déçus lorsque je réponds par la négative.” (p. 21)

Plongé dans une sévère dépression, il a simplement choisi ce qu’il croyait être le meilleur remède contre le mal qui le rongeait, sans se douter que cette démarche allait le transformer à ce point.

Une tâche impossible

Malgré les qualités de “L’homme qui marche”, je ne pouvais m’empêcher de penser ceci, en parcourant les pages: résumer 11 ans de voyage en un seul livre de 256 pages était une tâche impossible. Quel supplice ce dut être pour Béliveau que de charcuter ses souvenirs pour n’en conserver qu’une infime partie. Sa véritable histoire ne peut être racontée dans toute son envergure. Pour ce faire, il devrait écrire un livre qui ferait passer “À la recherche du temps perdu” pour une circulaire de Rossy.

L’après

Jean Béliveau a vécu une aventure homérique. Mais, s’il était physiquement seul dans son épopée, sa compagne Luce l’a accompagné du premier au dernier jour, avec une compréhension et une patience remarquables. Maintenant, je serais curieux de lire un livre écrit par Luce et ainsi connaître l’envers de la médaille. En attendant, pour en apprendre plus sur Jean Béliveau, ses conférences et le DVD portant sur son voyage, Des ailes au talon, visitez son site.

7 thoughts on “Critique: “L’homme qui marche” de Jean Béliveau

  1. annick

    Les médias Français avait mis son périple en lumière il y a quelques années et cette aventure humaine m’avait profondément touchée, trouvant incroyable ce départ en laissant sa famille derrière pendant si longtemps , je dois avouer que mon envie de voyager est toujours présente en moi et ça depuis mon enfance j’ai toujours fait des projets de partir avec quelqu’un , jamais seule, ce qui fait que j’ai une immense admiration pour tous ceux qui partent seuls même un court moment comme toi ou Jennifer. Le point de vue de sa famille serait intéressant à connaitre …….quelle vie ces 11 années….ça laisse pensif ..

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci pour ton commentaire, Annick! En effet, c’est toute une aventure. Comme toi, je suis fasciné par la détermination de Jean Béliveau. Par contre, même si j’aime voyager seul, je ne suis pas certain que je pourrais partir aussi longtemps. J’aime ma famille et mes ami-es, ils ont une place importante dans ma vie, alors passer des années sans les voir serait difficile. Enfin. C’est intéressant de lire le témoignage de quelqu’un qui a osé tenter une telle odyssée.

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Il est disponible à la Grande bibliothèque, si tu ne tiens pas à l’acheter. Je crois que tu vas l’apprécier…

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  2. Laurent

    Deuxième fois en quelques jours que j’entends parler de ce monsieur. Merci pour ce bon conseil de lecture, il ne devrait pas tarder à ce retrouver dans ma bibliothèque. J’avais fait un peu une pause sur les récits de voyage car on finit par saturer un peu et tous ne sont pas très bien écrit. Mais la manière dont tu décris celui-ci est assez convaincante :-)

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci pour ton commentaire, Laurent! Je comprends ton besoin de faire une pause de ce genre de lecture, c’est vrai que les récits de voyage ne sont pas tous bien écrits. Content de voir que mon billet t’a donné envie de lire ce livre.

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  3. OdysseeAmerica

    Bonjour à vous, je trouve que votre exploit est énorme cependant la relève est dores et déjà assuré, je suis entrain de mettre en place la création d’un immense parcours de 80.000km à pied, qui aura pour point de départ et d’arrivé, Montréal, je ferais le tour complet du littoral américain avec comme mi-parcours, Ushuaïa en Argentine.

    J’espère vraiment que vous oserez regarder la création des multiples étapes de mon odyssée qui aura lieu d’ici 2017/2018 !

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