Critique: “Par les volcans du Kamtchatka: un été dans l’Extrême-Orient russe”

Fasciné depuis des années par la région du Kamtchatka, j’ai lu avec intérêt le livre “Par les volcans du Kamtchatka: un été dans l’Extrême-Orient russe” (Éditions Transboréal), de Julie Boch et Émeric Fisset. Et l’exercice m’a laissé une impression mitigée.

Une oeuvre née de la passion

Amateurs de plein air et de randonnées extrêmes (Fisset a notamment traversé deux fois l’Alaska en solitaire), Boch et Fisset rêvaient du Kamtchatka depuis longtemps. Lors des étés 2005 et 2006, ils ont traversé à pied ce territoire volcanique. Ils racontent donc leurs séjours là-bas dans “Par les volcans du Kamtchatka: un été dans l’Extrême-Orient russe”. Des pages se dégage l’amour qu’ils éprouvent pour cette région; on trouve même une section “Florilège sur le Kamtchatka dans la littérature française”, qui recense les mentions de la péninsule dans la littérature française. De plus, les nombreuses photos qui occupent deux sections du bouquin montrent de superbes paysages et des gens attachés à cette terre rude.

(Crédit photo: http://www.amazon.fr/volcans-Kamtchatka-dans-lExtr%C3%AAme-Orient-russe/dp/2913955509)

(Crédit photo: http://www.amazon.fr/volcans-Kamtchatka-dans-lExtr%C3%AAme-Orient-russe/dp/2913955509)

L’histoire de cette péninsule est décrite ici en détail, grâce à l’incontestable érudition des auteurs: ainsi, on en apprend beaucoup sur la géologie de la région, les expéditions des explorateurs qui l’ont sillonnée, la culture de ses habitants, sa faune et sa flore, etc. Le texte est par conséquent truffé de faits, de références; cette rigueur plaira à celles et ceux qui veulent en découvrir davantage sur le Kamtchatka. Un remarquable travail de recherche constitue donc la trame du livre, trame bien sûr bonifiée par les expériences des protagonistes:

“Toute l’histoire de l’éruption de 1975 se lit dans les strates successives du paysage dévasté. Précédée de tremblements de terre, véritables trompettes du Jugement dernier, elle commença par des nuages de cendres et de gaz suivis, le 6 juillet, à 14 kilomètres de la base du volcan, du jaillissement de la lave le long de la fissure qui traverse, sur 60 kilomètres, le plateau de 900 mètres d’altitude au milieu duquel se dresse le Tobaltchik. Comprimé dans la faille, le magma remonta des tréfonds du réservoir, à 70 kilomètres de profondeur, et, entré en contact avec le gaz qui s’échappait de la fissure en charriant un torrent de pierres fondues, sortit enfin et ravagea tout sur son passage. […]. L’éruption se poursuivit jusqu’au 10 décembre 1976, puis les cônes commencèrent à s’oxyder, sublimés par la cuisson perpétuelle de leurs feux.” (p. 187-188)

Des mots pour le dire

Cette rigueur se retrouve aussi dans le style: les mots choisis sont très précis, variés, et les phrases, ciselées avec soin. Ces efforts rendent le récit plus vivant, plus coloré. Ceci dit, j’ai été étonné de voir l’expression “sexe faible” dans un livre publié en 2007:

“Nous nous installons donc à sept dans la pièce unique: le teckel devant la porte, la seule représentante du sexe faible sur une banquette, les trois garçons serrés par terre les uns contre les autres, les deux gardes sur leur châlit respectif.” (p. 272)

Vraiment?

Une montagne de mots

Par contre, cette rigueur et cette passion font en sorte que le livre s’étire jusqu’à 333 pages. Or Jean Béliveau, pour un tour du monde de 11 ans, n’a écrit que 256 pages. Verbeux, “Par les volcans du Kamtchatka: un été dans l’Extrême-Orient russe”? Parfois, oui. Aussi, les quelques comparaisons entre la France et le Kamtchatka ne m’ont pas parlé, puisque je ne connaissais pas ou peu les régions mentionnées. En outre, je pense qu’on aurait pu couper 37 pages au récit et son essence n’en aurait pas été affectée. Les amateurs de plein air auront sans doute plus de plaisir que moi à lire les longues et répétitives descriptions des volcans et des différents types de terrains. Peut-être que cette approche visait un effet précis, soit celui de démontrer le véritable caractère des lieux visités par les auteurs, mais cette stratégie peut se retourner contre son objectif, selon l’intérêt de la lectrice ou du lecteur envers les montagnes. Enfin, je suis conscient que ce que je reproche à ce livre pourrait passer aux yeux de quelqu’un d’autre comme des qualités.

L’abus d’une bonne chose

“Par les volcans du Kamtchatka: un été dans l’Extrême-Orient russe” décrit avec détails – trop à mon goût, par moments – une région méconnue de la planète. On en apprend beaucoup sur celle-ci. Toutefois, si le fond est captivant, la forme aurait gagné à être davantage concentrée. À la fin du livre, j’ai ressenti la même impression qu’après avoir trop mangé d’un plat délicieux: je l’ai certes savouré, mais avant même de le terminer, je ne pouvais plus en avaler une seule bouchée.

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