À force de lire des articles ou d’avoir des conversations sur les voyages, j’en suis venu à remarquer la popularité de plusieurs termes. Certains sont tellement utilisés qu’ils en deviennent parfois galvaudés. À mes yeux, trois mots en particulier ressortent de ce lot:
– Authentique: dans beaucoup d’articles ou de conversations, “authentique” renvoie à une expérience propre à une culture, expérience parfois tombée en désuétude aujourd’hui, mais qui était plus fréquente auparavant. Il possède alors en fait le sens de “folklorique” ou “traditionnel” (comme dans “J’ai entendu des chants authentiques dans ce village peul”). Je vois aussi le terme appliqué aux gens eux-mêmes, même si selon Le Larousse, il convient davantage à des objets, des sentiments ou des situations. Dans un tel cas, je lui préfère le mot “sincère”, qui enlève toute confusion;
– Épique: j’avoue avoir déjà utilisé ce mot à tort, je le trouve charmant. Et, apparemment, je ne suis pas le seul à avoir succombé à ce charme. On dirait parfois que tout est épique. Même un repas. Or, à moins de participer à un repas semblable à celui préparé par Mannekenpix le Belge, le cuisinier des Titans, dans Les douze travaux d’Astérix, aucun repas n’est épique. Le Larousse attribue un sens familier et ironique à “épique”, mais quand je rencontre le terme, je ne perçois généralement pas d’ironie, je sens plutôt une fierté dans son utilisation, du style “j’ai passé une soirée épique dans un bar avec des locaux”. À mes yeux, “épique” ne devrait être employé que pour décrire des voyages extrêmes, des défis d’aventure hors du commun, des exploits sportifs remarquables, des performances artistiques de longue haleine, etc. “Épique” implique l’idée d’un dépassement de soi sur une période étendue, il suggère un accomplissement extraordinaire, digne des exploits héroïques des mythologies, et non un aspect banal de la vie quotidienne dont certains éléments ont simplement été exacerbés;
– Ultime: “ultime” jouit d’une grande popularité dans les titres d’articles et de livres (surtout en anglais). Le Larousse le définit ainsi: “Qui vient en dernier lieu dans le temps”; en anglais, le mot “ultimate” a une portée plus large, mais malgré tout, il convient rarement à la situation décrite dans ce que je lis ou entends sur les voyages. “Ultime” évoque pour moi un état qui ne peut être dépassé, soit parce qu’il est fondamental à une chose, à une situation, à un phénomène, soit parce qu’il en représente le degré maximal, absolu. Alors, quand je vois par exemple un guide de voyage contenant le mot “ultime” dans son titre, je n’y crois pas. Les choses évoluent constamment et peuvent rapidement rendre caduques certaines réalités décrites dans le guide en question (par exemple: les voyages avant l’arrivée du iPhone vs les voyages après l’arrivée du iPhone). Rien n’est vraiment ultime, car les limites sont constamment repoussées, dans tous les domaines, que ce soit par la technologie, la philosophie ou autre vecteur de changement.
Selon vous, quels mots sont utilisés à tort dans l’univers des voyages?
Je suis tellement d’accord avec toi. Nous avions cette discussion à TBEX d’ailleurs. À un moment donné, faut arrêter de vouloir mettre des adjectifs “à fond” partout! :)
Merci Jennifer! Intéressant de constater que ce sujet fait jaser dans la blogosphère. J’imagine que cette manie de tout qualifier par des termes excessifs peut trouver une explication – partielle, à tout le moins – dans une démarche de SEO.
Je suis d’accord pour le “authentique”. L’adjectif est utilisé à la place de “traditionnel”. Et pour ta photo, je pense qu’elle est au contrarte très authentique, aujourd’hui, même les Hmong ont des téléphones, n’en déplaisent aux touristes en mal d’authentique selon la définition des publicitaires voyages.
Dans un autre genre (et parce que ça m’a énervé cette semaine) ce sont les gens qui commencent par “le Japon c’est génial” et qui ont passé trois jours à Tokyo.
Voir une ville, surtout la capitale, ce n’est pas voir le pays. Tokyo n’est pas le Japon !
D’un point de vue sémantique, je ne suis pas sûre d’avoir raison, mais beaucoup de blogueurs ont tendance à généraliser vite.
Si je reste sur mon exemple, Tokyo est le Japon, le seul bar à sushi qu’ils testent ressemble à tous les bars à sushi du Japon, etc.
Merci Tiphanya! On se comprend donc. Pour la photo, je suis d’accord avec toi, je trouve qu’elle représente bien la réalité d’aujourd’hui. C’est justement ce que je voulais illustrer, mais je n’ai apparemment pas bien réussi à le faire… ha ha! D’ailleurs, l’une de ces femmes m’a dit qu’elle portait des jeans parfois et qu’elle avait un profil Facebook. Le monde change, que ça nous plaise ou non.
Et je suis tout à fait d’accord avec ton observation. C’est vrai que c’est très présomptueux de généraliser à partir d’expériences partielles et c’est vrai aussi que, malgré cela, des gens adoptent cette approche. Moi aussi ça m’agace. Les nuances sont très importantes pour décrire ses expériences avec un minimum de crédibilité.