13 questions sérieuses à Aala

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Aala-au-Seijin-no-hi-jour-des-adultes-à-Tokyo-avec-amie-Chisaki-(photo prise par les parents de Chisaki-janvier 2012)

Aala au Seijin-no-hi (jour des adultes) à Tokyo avec son amie Chisaki (photo prise par les parents de Chisaki, en janvier 2012)

Aala Kanzali, l’auteur du blogue Un Gaijin au Japon, a commencé un tour du monde en 2009. Puis, il est arrivé au Japon en 2011. Il s’y trouve encore aujourd’hui. Comme quoi les plans peuvent changer de façon radicale sur la route. Dans cette première partie d’entrevue, Aala parle surtout du Japon, à partir des diverses expériences qu’il y a vécues. Japonophiles, cette entrevue est pour vous.

Tu fais un tour du monde depuis 2009, mais tu te trouves au Japon depuis un certain temps déjà. Quand es-tu arrivé là-bas? Pourquoi effectuer un arrêt aussi prolongé dans ce pays?

Je suis arrivé au Japon le 6 mai 2011, je crois qu’il devait être environ 17 h heure locale. À la base, mon tour du monde devait seulement être un voyage d’une année en Australie. Puis c’est devenu un tour du monde d’un an (Hong-Kong et Macao pour 1 semaine, Australie pour 5 mois, Nouvelle-Zélande pour 2 semaines, Canada pour 6 mois et USA pour 1 semaine). Mais quand je suis arrivé au Canada j’ai décidé de passer une année sur place. Puis j’ai fais 2 mois aux USA et 1 semaine au Mexique.

Et puis là, je me suis « je n’ai pas envie de rentrer, alors what’s next ? » et je suis parti au Japon. Cela devait durer un an. Mais à la fin de cette première année, j’avais envie d’un challenge plus palpitant, plus excitant. J’ai donc décidé d’entreprendre un tour du Japon à pied en 2015. Et entre le préparer chez moi en France, à Lyon, ou à Tokyo, j’ai préféré revenir à Tokyo.

Qu’est-ce qui te plaît du Japon?

C’est difficile comme question en soit. Je ne suis pas spécialement un « fan » du Japon, et ce n’est pas mon pays préféré (pour le moment la palme va à la Tunisie et au Canada), mais il faut reconnaître que ce pays du Soleil-Levant a quelque chose d’envoûtant en soit.

J’ai toujours été attiré par les pays ayant une forte histoire et une forte culture, et il faut reconnaître que de ce côté-ci, au Japon, on est servis. Et puis, j’ai aussi toujours été intrigué par les comportements humains (c’est pour cela que j’ai terminé à faire des études de marketing et de management avec une spécialisation en comportements sur le lieu de travail et des consommateurs). Et au Japon, les comportements humains sont totalement différents des 2 cultures qui m’ont bercé (occidentalo-européenne et arabo-musulmane).

Qu’est-ce qui te déplaît du Japon?

Ce n’est pas que ça me déplaît (parce que j’y suis habitué depuis ma plus tendre enfance en France, où j’ai toujours été assimilé à un étranger, malgré le fait que je sois né en France, que j’ai grandi là-bas et fait mes études sur place) c’est le fait qu’au Japon tu es et tu resteras toujours un « Gaijin » (qui signifie « personne extérieure »).

Cela a des avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients. Après je ne le vis pas mal du tout, puisque j’ai eu un entraînement depuis mon plus jeune âge en France.

Qu’est-ce qui t’a le plus surpris du Japon?

Le bordel. On a une image du Japon comme étant un pays propre, super organisé et parfait. Quand on vient en tant que touriste, on s’en rend compte de cette perfection. Mais en fait, ce n’est qu’apparence. Le Japon est un pays d’apparence avant tout. Et lorsque l’on vit ici, on se rend compte qu’en fait, le Japon est le plus grand bordel, le mieux organisé au monde.

C’est hallucinant comment les choses peuvent être bordéliquement bien arrangées pour que ça reste en apparence parfait et que tout fonctionne à la perfection. Un véritable paradoxe japonais.

Comment se déroule ton apprentissage du japonais? À quel point la connaissance du japonais est nécessaire pour voyager dans le pays?

Plutôt bien même si par moment je suis « gavé » par les kanji. Il faut savoir que dans l’écriture japonaise on utilise 3 alphabets: les hiragana composés de 46 caractères, les katakana composés de 46 caractères et les kanji. Il existe environ 10 000 kanji en japonais, mais il faut en connaître au minimum 1946 pour la vie de tous les jours.

Sinon l’apprentissage se fait tous les jours en école à raison de 3 heures par jour, mais à la façon japonaise, c’est-à-dire avec beaucoup de choses à apprendre par cœur mais aucune réelle pratique.

En ce qui concerne l’usage du japonais en voyage, il n’est point vital, mais c’est évident que si on le connaît, même juste quelques rudiments, cela va ouvrir énormément de portes et d’opportunités.

Tu as déjà effectué quelques longues marches entre divers lieux du Japon et, à partir du 1er janvier 2015, tu entameras une traversée à pied du pays. Pourquoi as-tu choisi de relever de tels défis?

J’avais besoin d’un nouveau défi, quelque chose de plus grand. En novembre 2009 j’étais parti pour apprendre l’anglais sur le tas parce que je ne le parlais pas du tout, et j’ai fait ça en Australie et au Canada. Là-bas j’ai chaque fois trouvé du travail et un logement et je me suis construit une vie.

Puis après, je voulais un autre défi, plus palpitant et plus difficile. Et c’est là que j’ai décidé d’aller au Japon alors que je ne parlais pas la langue, que je ne connaissais rien de ce pays et de sa culture. J’ai passé une année sur place comme ça, en mode survie, et j’y suis bien arrivé.

Mais après, j’avais besoin d’un défi encore beaucoup plus grand. Et en octobre 2011, j’ai entendu parler de Jean Béliveau et de son tour du monde à pied. Et je me suis dis « Bingo », c’est ce que je veux faire, « un tour du Japon à pied ».

J’aime beaucoup marcher, je voulais découvrir le Japon autrement et je cherchais un nouveau défi. Et voila comment mon projet est né.

À la lueur de ton expérience du Japon, quelles règles d’étiquette devraient connaître une personne qui visite le pays pour la première fois?

Oui il y en a beaucoup (trop pour nous petits étrangers), mais en connaître quelques-unes de base permet d’éviter des situations gênantes:

– Toujours enlever ses chaussures quand on rentre quelque part (notamment chez quelqu’un) et avoir des chaussettes propres et non trouées.
– Ne jamais demander son âge à une femme.
– Quand on vous donne une carte de visite, la prendre à deux mains, prendre le temps de la lire, et ne jamais écrire dessus, cela reviendrait à écrire sur l’âme de la personne.
– Ne jamais porter de costume-cravate noir, c’est pour les deuils uniquement.
– Ne jamais planter ses baguettes dans le bol de riz, cela fait référence aux cérémonies d’enterrement.
– Ne pas manger ou boire en marchant dans la rue.
– Ne jamais parler trop fort et rester « discret ».
– Ne jamais se moucher en public, il est préférable de renifler.
– …

Je pourrais continuer comme ça pendant des heures, voire des jours.

Comment compares-tu le coût de la vie au Japon à celui d’autres pays?

Beaucoup pensent que c’est bien plus cher, ce qui est une fausse idée. Dernièrement je lisais une étude qui démontrait que Tokyo (ville la plus chère du Japon) était 7 % plus chère que Paris.

Il faut savoir que la TVA [taxe sur la valeur ajoutée] ici est à 5 % (8 % à partir du 1er avril 2014) et que manger, aller au restaurant ou sortir revient bien moins cher qu’en France par exemple.

Ce qui coûte cher ici, c’est les transports en commun (mais on paye pour une qualité haut de gamme) et les logements (surtout en plein centre des villes).

Ah oui, les fruits et légumes aussi coûtent une fortune. Etre végétarien ici peut être un vrai enfer pour le portefeuille.

Devenir un expatrié fait en sorte que, à un certain moment, il faut trouver des moyens pour assurer sa subsistance (dans la majorité des cas, du moins). Comment fais-tu pour financer ton mode de vie?

J’ai d’abord commencé par donner des cours de français en privé, et à mon compte (c’est fou ce que les Japonais en raffolent). Puis j’ai lancé mon blog qui est devenu ma principale source de revenus.

Quand tu repenses à la personne que tu étais au moment de ton arrivée au Japon et que tu la compares à la personne que tu es maintenant, quelles ressemblances et quelles différences constates-tu?

En psychologie, il est souvent dit qu’il faut 3 ans à une personne pour changer certaines de ses habitudes. Quand je repense au moment où je suis arrivé au Japon, je me rends compte que j’ai changé dans ma perception des choses que je vois ici, c’est devenu plus une normalité qu’une curiosité. J’ai perdu, de plus en plus, cette habitude de tout analyser avec un esprit occidental et j’essaye de plus en plus de me mettre d’un point de vue japonais (ce qui n’est pas toujours facile, parce qu’on garde quand même ses racines).

Sur les ressemblances, je dirais l’ensemble de ma personnalité reste la même. On ne change pas vraiment, on évolue et on prend d’autres directions simplement.

Tu tiens le blogue Un Gaijin au Japon, dans lequel tu parles de différents aspects de la vie au Japon, du point de vue d’un expatrié. Pourquoi as-tu décidé de créer un blogue? Quelle place occupe-t-il dans ton voyage?

Je l’ai créé d’abord pour pouvoir parler de mes expériences ici, pour pouvoir partager mes points de vues de « ni geek ni otaku », parce que la majorité des blogs sur le Japon sont tenus par des personnes fans de ce pays et très souvent geek et otaku, ce qui fait que le contenu va très vite tourner vers les mangas, animés… Et moi, quand je suis venu au Japon, ce n’était pas ce que je cherchais.

J’ai aussi créé ce blog pour pouvoir mettre en avant mon projet de tour du Japon à pied de 10 000 km.

Tu effectues un tour du monde, ce qui signifie que tu finiras éventuellement par quitter le Japon. Or ton blogue est axé sur le pays (comme son nom l’indique) et il jouit d’une certaine popularité, avec près de 4000 fans Facebook (au moment de publier cette entrevue). Comment prévois-tu faire la transition de ton blogue sur le Japon à un blogue plus « tour du monde »? Ne crains-tu pas que cette transition « endommage » ton image de marque?

C’est très simple, j’ai un blog tour du monde, dédié à l’ensemble des pays que je visite ou dans lesquels je vis, qui lui sortira dans les mois à venir.

En sortant un blog dédié uniquement au Japon, je me suis rendu compte que beaucoup m’ont assimilé à tort à un fan du Japon, à un non-voyageur ou à un expatrié. Or, je ne suis pas un expatrié mais plutôt un voyageur lent, qui prend son temps selon ses envies et son feeling.

C’est pourquoi, si je veux sortir de ces carcans, il va me falloir lancer mon blog tour du monde, qui permettra de rééquilibrer un peu plus mon image par rapport à la réalité de ce que je fais.

Maintenant, j’ai un avantage, c’est que mon blog sur le Japon a une certaine notoriété, ce qui me permettra d’en jouer pour lancer mon blog tour du monde.

Quels sont tes projets?

Déjà mon tour du Japon à pied qui commencera en 2015. Ensuite, je ne sais pas, cela dépendra de beaucoup de choses, mais en tout cas j’ai un but ultime: aller dans absolument tous les pays du monde, reconnus ou non par l’ONU.

Et à l’heure actuelle je parle français, arabe, anglais et un peu de japonais. J’aimerais bien apprendre 1 ou 2 langues en plus.

La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.

6 thoughts on “13 questions sérieuses à Aala

  1. annick

    J’ai lu avec délectation les réponses aux questions que tu as posées à Aala, c’est fou ce que l’on peut apprendre en 13 Questions / Réponses
    j’irai faire un tour sur son blog, c’est sûr!

    Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci pour ton commentaire, Annick! Je passe beaucoup de temps à fignoler les questions pour soutirer un max d’informations des interviewé-es, alors je suis content de voir que tu as appris des choses de cette entrevue.

      Reply
  2. Chris

    Le blog d’Aala est une vraie mine d’or, c’est sur ! En ce moment il publie des itinéraires de voyage et c’est hallucinant le contenu qu’il met dedans; Il doit y passer un temps fou !

    Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci pour ton commentaire, Chris! En effet, Aala a un blogue étoffé et c’est une des raisons pour lesquelles je voulais l’interviewer.

      Reply

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