13 questions sérieuses à Clo et Clem

Clem et Clo dans la voiture de leur guide tibétain qui vient de les accueillir à la gare de Lhassa (photo prise par Clo et Clem)

Clem et Clo dans la voiture de leur guide tibétain qui vient de les accueillir à la gare de Lhassa (photo prise par Clo et Clem)

L’Asie centrale est une région peu visitée, malgré sa riche histoire, ses nombreuses cultures et ses paysages extraordinaires (entre autres). Les pays qui la composent faisaient partie de la route de la soie, qui, pendant des siècles, a marqué sous divers plans les peuples impliqués dans les activités marchandes qui s’y déroulaient. Clo et Clem, du blogue Un tour sur Terre, ont traversé l’Asie centrale. Je leur ai donc proposé cette entrevue, afin qu’ils contribuent à démystifier – un peu – cette région aussi méconnue que fascinante.

L’Asie centrale (et ses pays et zones limitrophes comme l’Iran et l’ouest de la Chine, entre autres) est une région peu visitée, par rapport à d’autres régions de l’Asie, comme l’Asie du Sud- Est. Qu’est-ce qui vous a poussés à visiter cette région?

Nous faisons un tour du monde sans prendre l’avion. La première « grande destination » du voyage étant l’Inde, on a regardé une carte pour établir notre itinéraire. Depuis la France jusqu’en Inde, on devait soit passer par le nord (la Russie), soit par le sud (la Turquie et l’Asie centrale). On a choisi la deuxième solution, complètement au hasard, sur un coup de tête :D

Quelle image aviez-vous de l’Asie centrale avant d’y aller? À quel point cette image a passé le test de la réalité?

Nous avions une image très floue de l’Asie centrale. Des pays aux noms imprononçables, des dictatures, des guerres, rien de bien reluisant. Mais c’était lointain. En fait ça nous paraissait irréel comme endroit, du coup ça ne nous faisait pas vraiment peur. Une fois sur place, heureusement, nous avons découvert une région beaucoup plus accueillante et intéressante que prévue, vraiment très loin de nos préjugés.

Aviez-vous des craintes par rapport à votre traversée de la région? Si oui, lesquelles, et comment ont-elles passé ce fameux test de la réalité?

Comme nous ne connaissions pas vraiment l’Asie centrale, nous avons juste essayé d’éviter les zones dangereuses secouées par des guerres et des attentats (Pakistan, Afghanistan). Notre entourage avait très peur de nous voir vadrouiller en Iran. Heureusement, la réalité est très éloignée des clichés véhiculés dans certains médias. C’est en Iran que nous avons reçu l’accueil le plus chaleureux de la part de la population.

En termes d’infrastructures touristiques, comment l’Asie centrale se compare-t-elle à d’autres régions du monde?

Globalement, le tourisme n’y est pas vraiment développé. Les infrastructures touristiques sont donc assez rares et pas toujours en bon état. Seul l’Iran se développe très rapidement surtout à Shiraz et Isfahan. Au Kazakhstan en revanche, les hôtels sont très chers et le rapport qualité-prix est souvent déplorable. On a passé nos deux premières nuits kazakhes dans un hôtel de passe miteux.

Comment communiquiez-vous avec les « locaux »? L’anglais? Les signes? Une combinaison de plusieurs moyens?

C’est un mix de tout cela. En Iran, beaucoup de jeunes parlent anglais. Dans les pays en « -stan », on mélangeait l’anglais avec quelques mots de russe. Chez les Ouïgours, on parlait surtout avec les mains. Dans tous les cas, avec un grand sourire, on réussit toujours par se faire comprendre.

L’Asie centrale compte une grande diversité de peuples, dont les rapports ont pu être conflictuels au fil des siècles. Comment qualifieriez-vous les rapports entre « locaux », à la lueur de vos observations?

Difficile à dire. Ce sont des situations très complexes qu’on ne peut pas réellement comprendre en 4 mois. Nous avons rencontré une famille de réfugiés afghans en Iran. Pour eux, la situation est très dure. Ils ne peuvent pas revenir dans leur pays pour des raisons de sécurité, mais en restant en Iran ils n’ont quasiment aucun statut et ils ne sont pas intégrés par les Iraniens. Chez les Ouïgours, la situation est vraiment explosive. Les Chinois de l’ethnie Han (dominante en Chine) viennent s’installer et y prospérer sans en faire profiter les Ouïgours qui restent très pauvres. L’inégalité est vraiment criante quand on visite les villes. Le centre-ville riche est occupé par les Hans pendant que les Ouïgours vivent dans les vieux quartiers pauvres.

Certains pays de la région, tels que l’Ouzbékistan, ont des bilans désastreux en matière de respect des droits humains, comme le souligne l’organisation Human Rights Watch. Comment avez-vous été traités là- bas, en tant que touristes?

Nous n’avons pas été en Ouzbékistan mais nous avons traversé le Turkménistan, surnommé la Corée du Nord d’Asie centrale. On y a été traités comme des espions, c’était horrible.

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Sur votre blog, Un tour sur Terre, vous publiez des vidéos; or des pays d’Asie centrale, comme l’Ouzbékistan, ont une réputation peu enviable en matière de liberté de la presse. Avec votre matériel, vous pouviez passer pour des journalistes. Comment parveniez-vous à filmer ou prendre des photos sans vous mettre dans des situations risquées? Avez-vous eu des démêlés avec les autorités, en raison de vos activités?

À notre grande surprise, nous n’avons jamais eu de véritables problèmes aux frontières. Nous transportions pourtant un appareil photo professionnel, une steadicam, des GoPro, 6 disques durs, un MacBook Pro… notre tactique était d’agir comme un petit couple de touristes un peu perdu et ça a marché parfaitement. Nous avons tout de même eu 2 petites frayeurs.

Au Turkménistan, au moment de la fouille des bagages, Clo a entendu un garde dire « journaliste » en russe. Il a alors pris Clem à part pour lui demander… s’il transportait une arme! Pendant de longues minutes, on a eu droit à un interrogatoire. On nous a bloqués en nous reposant toujours la même question tournée de manière différente: « gun? », « sniper ?». Puis, on nous a laissé partir, les gardes en rigolaient entre eux. On n’a toujours pas compris…

En Chine, ils ont été très intrigués par les disques durs. Ils ont même voulu vérifier leur contenu. Clem a sorti un disque dur vide et a expliqué que c’était pour prendre des photos. On a dû allumer notre Mac pendant le contrôle, ils ont fouillé dedans. Puis ils ont réfléchi un instant et nous ont laissé passer sans problème. Ce qui est drôle, c’est qu’on a même réussi à faire passer un livre du moine bouddhiste Matthieu Ricard, alors que c’est interdit.

Dans le même ordre d’idée, comment vous identifiiez-vous sur les demandes de visa pour les pays d’Asie centrale?

Nous nous identifiions comme touristes.

Quel fut le pays le plus difficile, au plan de l’obtention du visa, et pourquoi?

Sans aucune hésitation, la Chine. Nous pensions faire notre visa à Almaty, au Kazakhstan, et nous avons découvert que c’était en fait impossible. En plus, nous sommes tombés en plein pendant le Nouvel an chinois… sur les conseils du réceptionniste de notre hôtel, nous sommes finalement passés par le Kirghizistan et nous avons fait notre demande à Bichkek où nous l’avons obtenu très facilement via une agence. Ça nous a coûté beaucoup plus cher que si nous l’avions fait en France et on a perdu beaucoup de temps à cause des fêtes, mais le principal c’était de l’avoir.

Qu’est-ce que vous avez le moins aimé de cette région?

Nous avons été déçus par le Kazakhstan. Les hôtels et les transports sont très onéreux et il n’y avait pas grand chose à voir mis à part les grandes plaines enneigées. En plus il faisait vraiment trop froid (-35°C parfois) !

Qu’est-ce que vous avez le plus aimé de cette région?

L’accueil extraordinaire des Iraniens et les paysages époustouflants du Kirghizistan.

Quels sont vos projets de voyage?

Nous avons dû revenir en France cet été, mais nous repartons en tour du monde en décembre. Au programme des prochains mois: toute l’Asie du Sud-Est !

La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.

4 thoughts on “13 questions sérieuses à Clo et Clem

  1. annick

    Je croyais pas très faisable ce trajet, que des membres de ma famille avaient fait en 1978 ( France / sud de l’Inde sans prendre l’avion ) ça me conforte dans mon projet de voyage sans prendre beaucoup l’avion .
    Et je vais avec assiduité suivre le blog de Clo et Clem
    merci pour tes toujours très bonnes et instructives questions aux voyageurs
    à+

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci Annick! C’est une région peu visitée, alors je me disais que ce serait intéressant d’avoir un retour sur celle-ci. Content de voir que l’entrevue t’a plu. Bonne chance dans tes projets!

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  2. Tiphanya

    Je pense que le Kirghizstan( seul pays d’asie centrale que je connaisse) a été le voyage le plus dur au niveau de l’adaptation culturelle et le plus magnifique au niveau des paysages. Du coup je suis ambivalente à l’idée d’y retourner. Pourtant les témoignages comme celui de Clo et Clem sont nombreux et les personnes séduites sont plus nombreuses que les râleurs.

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    1. Stéphane Pageau Post author

      J’imagine que ces pays demandent une certaine disposition d’esprit, car ils semblent exigeants, en matière d’investissement personnel, d’énergie. Ceci dit, moi aussi je lis plus de bons commentaires sur eux que de mauvais, alors je serais curieux de vérifier par moi-même, un de ces jours. Merci Tiphanya!

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