Je suis revenu au Canada le mardi 15 décembre 2015, à 0 h 26. À Toronto. Depuis Santiago. Cette décision fut le résultat d’un intense processus de réflexion. Je devais choisir entre continuer de voyager et rentrer, a.k.a. le coeur contre la raison. Au final, le budget a tranché. Détails d’un processus qui peut toucher tout-e voyageuse ou voyageur au long cours.
La raison
Le processus de réflexion a été enclenché par mon budget. Depuis mon départ, je surveillais mes dépenses et revenus avec une assiduité que je ne me connaissais pas. Je notais tout. Au fil des semaines, des mois, je voyais mes fonds diminuer aussi vite que la chevelure de Hulk Hogan. En novembre dernier, j’ai dû me rendre à l’évidence: mon budget ne me permettrait pas de tenir plus de 2 ou 3 mois avant de m’endetter. Revenir endetté n’est pas une bonne idée, pour des raisons évidentes de finances personnelles et de stress, entre autres. Or je veux le moins de stress possible dans ma vie.
Aussi, mon passeport expire le 1er février 2016. Or il faut au moins 20 jours ouvrables à une ambassade canadienne pour renouveler un passeport, à moins de formuler une demande urgente (ce qui entraîne des frais supplémentaires). Les frais, pour le processus normal, sont de 190 $ CAN pour le passeport d’une validité de 5 ans et de 260 $ CAN pour celui d’une validité de 10 ans. J’aurais aussi eu à me rendre dans une ambassade juste avant le temps des Fêtes, ce qui me laisse croire que j’aurais eu à ajouter quelques jours fériés à mon attente.
De plus, je devais quitter l’Argentine au plus tard le 6 janvier 2016, la date limite imposée par mon « droit de séjour » de 90 jours. En novembre, j’étais à Mendoza; l’ambassade canadienne la plus proche en Argentine se trouvait à Buenos Aires. J’étais par conséquent beaucoup plus près de Santiago. Mieux encore, les frais d’entrée au Chili pour les citoyen-nes canadien-nes avaient été annulés en 2014. En outre, une amie vivait à Viña del Mar et le trajet entre Mendoza et Viña del Mar se faisait bien en bus, selon les rumeurs. Bref, j’avais toutes les raisons d’aller au Chili, c’était l’option la plus logique. Oui, tout ça paraissait génial sur papier, mais encore?
Je n’étais toutefois pas certain de pouvoir entrer au Chili sans preuve de sortie. Avant de m’y rendre, j’ai donc recherché différentes combinaisons de vols de retour pour le Canada: Buenos Aires – Montréal, Buenos Aires – Toronto, Santiago – Montréal, Santiago – Toronto, etc.
Tout au long de ces recherches, je sentais que, si j’avais à revenir, je ne voulais pas débarquer tout de suite à Montréal. Je ne voulais pas une fin de voyage trop abrupte. En tenant compte de ma situation passeportesque, j’ai conclu que Toronto serait la destination idéale. J’ai une bonne amie là-bas, je l’avais même rencontrée au tout début de mon voyage, je savais que ce serait agréable de la revoir. Par ailleurs, comme je tenais à vivre une transition en relative douceur entre le monde latino-américain et l’Amérique du Nord, j’ai décidé que je resterais à Toronto quelques jours. Enfin, derniers détails et non les moindres, un de mes frères célébrait son anniversaire le 20 décembre et le temps des Fêtes approchait à grands pas. J’ai donc réalisé que, si je quittais le Chili au milieu de décembre, je pourrais demeurer environ quatre jours à Toronto avant de revenir à Montréal à temps pour l’anniversaire de mon frère et le temps des Fêtes. La raison avait jusqu’à présent marqué beaucoup, beaucoup de points.
J’ai finalement acheté un billet Santiago (code AITA: SCL) – Toronto (code AITA: YYZ) pour le 14 décembre; il coûtait 350 $ CAN de moins que celui entre Santiago et Montréal. Détails du vol dans ce billet. Cette différence de prix a fini par me convaincre. La cerise sur le proverbial sundae. Ou dans mon cas, la sauce sur la poutine.
Le coeur
Je suis donc arrivé au Chili le 4 décembre. Après quelques jours à Viña del Mar et à Valparaíso, je me suis rendu à Santiago. À vrai dire, une fois là-bas, j’ai hésité à quitter la ville. Ferais-je l’avion buissonnier? J’aimais beaucoup ce rythme de vie, j’aimais combiner voyage et travail. Mais j’ai compris que 1) si je continuais de voyager, je devrais rester au Chili, à Santiago, au moins jusqu’à ce que j’obtienne mon nouveau passeport; 2) que le coût de la vie chilienne n’était pas des plus bas; 3) que je m’endetterais alors de façon importante, et ce, rapidement; 4) que si je restais, que si je choisissais de m’endetter, j’aurais tout de même fini par devenir anxieux, côté budget. J’aurais quand même fini par calculer chaque sou dépensé. J’aurais eu de la difficulté à profiter de mon voyage. Et tant qu’à ne pas pouvoir apprécier pleinement ce que j’aurais vécu, j’ai préféré revenir, comme prévu.
En toute franchise, j’ai aussi hésité à partir en raison d’une femme rencontrée à Mendoza. Je n’entrerai toutefois pas dans les détails. Je dirais simplement que je suis parti parce que je croyais que c’était la meilleure chose à faire. Je verrai avec le temps si c’était une sage décision ou la pire connerie de ma vie.
Toronto… bis
Je suis donc parti de Santiago, le 14 décembre. Les vols se sont déroulés sans incident. J’ai ensuite passé quelques jours à Toronto, où j’ai pu me « ré-acclimater » à l’Amérique du Nord. Et à ses températures. Puis, vint le moment de revenir à Montréal. Après quelques recherches sur les Internets, j’ai trouvé un lift Toronto – Montréal avec Amigo Express pour 40 $ CAN. Je suis donc parti de la Ville-Reine, à 10 h 30, le 18 décembre. J’ai alors rencontré Vanessa, la conductrice; elle est née aux îles Comores, elle restaure des oeuves d’art et elle voyage beaucoup. C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un qui venait de là-bas. Fascinantes conversations sur les îles, sur les voyages.
La fin d’un chapitre
Arrivée à Montréal vers 15 h 45. J’ai débarqué au coin des rues Sainte-Catherine et Berri, au centre-ville. J’ai été submergé d’émotions. Avant de réaliser que, dans le fond, bien peu semblait avoir changé. À part moi.
J’ai alors pris le métro pour me rendre chez mon frère. En marchant dans la station Berri-UQAM, une femme qui travaillait pour un organisme quelconque m’a abordé:
– Tu as du temps?
– Non.
Et je suis ainsi rentré. Après 380 jours.
En te lisant, on devine que tu as beaucoup réfléchi. C’est terrible cette décision à prendre. nous l’avons pris aussi, mais pas comme toi, en la repoussant autant que possible et en perdant en souplesse d’ajustement au retour à cause du budget.
Profite bien de Montréal et doucement sur la poutine !
Merci Tiphanya! Oui, j’ai beaucoup réfléchi. La décision la plus difficile que j’ai prise de tous mes voyages. Je vois que vous me comprenez…
Merci pour les bons mots, mais je ne promets rien pour la poutine, il y a Poutine Week la semaine prochaine…
J’ai le même vilain rapport avec les finances qui m’amènent un stress horrible, une anxiété. J’ai vécu là-dedans des années et je n’en peux plus. Du coup, je suis aussi de retour au pays natal pour un moment, histoire de renflouer les caisses ;) Par contre, le truc étrange c’est que jusqu’à l’an passé, à chaque retour j’avais cette impression de “rien changé” comme toi. Et depuis quelques temps, non, je vois le plus minime des changements comme quelque chose de surprenant. Cela m’est venu en même temps qu’un étrange hermétisme à l’attente et à l’ennui. Je ne sais pas d’où ça sort, mais je vais avoir le temps d’y réfléchir ;) Bonne route montréalaise!
Merci Corinne! Les finances… un point si vital, mais si frustrant en même temps. Ce qui ne m’aide pas (et je sens que c’est la même chose pour toi), c’est que je ne me prive pas beaucoup, en voyage; oui, je tiens compte de mon budget, mais si j’ai vraiment envie de faire quelque chose, je le ferai. Je veux découvrir les lieux visités à travers les différentes expériences possibles, quitte à écourter mon séjour. On ne regrette que ce que l’on ne fait pas, dit-on…
Intéressant, ton changement de perception. C’est tout un art, que d’apprécier l’attente et l’ennui. J’y travaille depuis longtemps, alors que pour toi, on dirait que ce fut une épiphanie.
En outre, je dois dire que j’ai vu quelques changements à Montréal, depuis mon retour, mais ils sont somme toute mineurs, pour la plupart. Mais il y a des cafés de chats, maintenant. Et ça, c’est formidable.
Bon retour au « pays natal »…peut-être est-il temps pour toi de t’établir en un seul lieu, de t’acheter une grande maison, d’avoir un mari obséquieux et un chien « fluffy ». Réfléchis bien.
À un prochain café/bière, Corinne. On devra avoir très soif pour boire tout ce que l’on doit boire… dans un café de chats, peut-être.
Ahaha, oui le café de chats, c’est de l’upgrade ça! Oui c’est bien ça, comme toi je ne me prive pas vraiment. On ne vit qu’une fois (et c’est le plus sensé des lieux communs, je crois). Le chien fluffy? J’y pense, j’y pense.
Bon retour à Montréal ! Et ne le vois pas comme la fin du voyage car tu en auras tant d’autres des départs et des retours de voyage… C’est aussi un nouveau début. Bonne année 2016.
Merci Sylvie! Tu as raison, ce n’est pas une fin, c’est juste une transition. Bonne Année à toi aussi!
C’est la première fois que je te lis, et quelle lecture ! on sent vraiment tout ton cheminement derrière, ce que ça t’a coûté moralement, financièrement, physiquement (avec les photos de neige haha)
Bon retour, en attendant le prochain départ ! et bon nouveau passeport ! vous avez le droit de le garder ou vous devez le rendre à l’administration ?
Merci Kenza! Content que tu aies compris ma démarche, soit de montrer le processus derrière une décision difficile en voyage. Oui, au Canada, on peut garder son passeport, mais il faut signifier son intention aux autorités. La dernière fois que je l’ai demandé, l’agent a coupé un coin de mon passeport avec des ciseaux pour le rendre inutilisable. Et à ma connaissance, tous les voyageurs souhaitent conserver leur passeport, pour les souvenirs qu’il contient.
Salut Stéphane,
Mercic pour ce billet qui nous explique si bien ta démarche. Tu as certainement fait le bon choix. Et ce n’est pas nécessairement pour toujours que tu es revenu. Le temps de re-ajuster ta vie, ton budget, tes envies – et d’autres chemins s’ouvriront pour toi.
Continue à écrire.
Bises du Pérou,
Martina
Salut Martina!
Merci pour ton commentaire. En effet, je vis cette étape comme un arrêt avant de repartir. Je saurai bien assez vite quels seront mes plans…
Oui, je vais continuer d’écrire. En espérant que tu continues de me lire…
Bises de Montréal,
Stéphane