« I can smell the stench from here… », a alors dit le Belge.
Moi aussi je le pouvais. Cette puanteur provenait des toilettes d’une halte routière située à environ une heure d’Urgench. La toilette se trouvait pourtant à une bonne quinzaine de mètres d’où nous jasions. En raison d’une inexorable loi naturelle, je devais y pisser. Et j’ai ainsi découvert la pire toilette au monde: un trou dans une dalle de béton. Pas de papier. La fameuse toilette de Transpotting peut aller se désodoriser. Sérieux, remerciez quiconque vous invoquez quand vous frôlez la mort dans un tuk-tuk sur les routes de Mumbai que cet article ne soit pas en odorama. En même temps, il y a un je ne sais quoi de rassurant de constater que, peu importe notre origine, on partage la même odeur pestilentielle sur le trône. Le genre humain, dans toute sa puanteur.
J’étais à cette halte, le 20 octobre 2016, parce que je me rendais à Boukhara dans un taxi privé. J’étais avec le Belge, une Néerlandaise et un Chinois. On était partis de Khiva vers 8 h 53, en face de l’auberge Laliopa B&B, à l’extérieur de la porte Ouest. Le Chinois avait négocié le prix d’un taxi privé avec le personnel de son auberge; on a payé 80 000 soms chacun (environ 33,86 $ CAN, au taux officiel) pour la course. Il existe en fait peu d’options pour relier les deux villes, séparées par 469 kilomètres. La plus populaire consiste à partager un taxi avec d’autres passagers. Le trajet prend 5 ou 6 heures, si on ne fait pas de pause. Des bus circulent aussi sur la route, mais le trajet prendrait au moins 8 heures. Les bus s’arrêteraient vraisemblablement à Urgench et de là, il faudrait un autre taxi ou un autre bus pour aller à Khiva. Le stop? Envisageable, je crois. Sinon, le cyclisme pour les plus sportifs. Or la simplicité d’un taxi privé partagé nous a séduits.
Alors qu’on s’apprêtait à rentrer dans le taxi, les narines bien réveillées, notre chauffeur nous a mentionné que la rivière que l’on voyait au loin constituait la frontière avec le Turkménistan. J’ai donc été l’immortaliser sous divers angles, ne sachant pas si un jour j’irai dans ce pays. J’aimerais bien. Après cette séance photo, on est repartis. Loin de cette toilette de l’enfer.
La qualité de la route était variable, selon les secteurs. Texture parfois lisse, parfois rugueuse, comme le visage d’un adolescent. Les camions dominaient l’asphalte. Le vent balayait les étendues désertiques. Les paysages arides se succédaient, pendant que le soleil les dorlotait. Je n’ai pas aperçu de cyclistes, malgré le fait que j’en avais croisés quelques-uns à mon auberge de Tachkent. Puis, l’appétit nous a rattrapés. On a ainsi effectué un arrêt dans un restaurant situé au milieu de nulle part. Pas même un tumbleweed pour égayer les lieux. Mais une table veillait.
On y a mangé un délicieux repas de shashliks (grillades), shurpa (une soupe), pain et thé pour 12 000 soms chacun (environ 5,08 $ CAN, au taux officiel). J’ai remarqué que notre chauffeur a effectué un rituel avec le thé: il a versé du thé dans une coupe avant de la vider aussitôt dans la théière. Après avoir répété l’opération deux autres fois, il nous a enfin donné du thé pour qu’on puisse le boire. Au terme de ce repas, on a repris la route, rassassiés.
Après une dernière pause pour acheter de l’essence, à l’extérieur de Boukhara, on a terminé notre trajet à travers l’ouest de l’Ouzbékistan. Le taxi m’a laissé devant la porte de mon auberge de Boukhara, le Hostel Rumi, vers 16 h. J’ai alors salué mes compagnons de voyage, avec la promesse de se revoir le soir même. J’étais heureux d’avoir pu voir du pays, de constater de mes yeux la physionomie d’une partie du territoire ouzbek. Et maintenant, je me trouvais dans une ville à la riche histoire. Les détails de mon séjour à Boukhara dans le prochain billet…
Vers 8 h 53, mais plutôt au début de la 53e minute ou à la fin ;-)
J’avoue que je garderai toujours un petit pincement au coeur de ne pas être allé à Khiva. Mais bon, il faut faire des choix dans la vie, et c’est en plus une bonne raison pour retourner un jour en Ouzbékistan. Merci pour la balade et pour les shashliks :-)
On sous-estime 8 h 53, et les secondes de cette minute. Et pourtant…
Je te comprends. Oui, il faut faire des choix. Je crois que ça vaut la peine d’aller à Khiva, c’est joli. Et ça te rapproche de Nukus et de Moynaq, le cimetière de navires de la mer d’Aral. Content que mon billet t’ait plu. À plus…