Samarcande… un nom qui m’habitait depuis l’enfance. Les images de la place du Régistan vues dans un numéro du National Geographic ont nourri mes rêves pendant des années. J’en ai déjà parlé ici. Samarcande constituait donc la principale raison de mon voyage en Ouzbékistan. Je voulais y être pour mon anniversaire, le 25 octobre. J’y ai ainsi séjourné du 23 au 25 octobre 2016. J’y serais resté plus longtemps, mais la logistique de mes vacances m’a forcé à prendre des décisions parfois difficiles. Malgré sa courte durée, ce séjour fut l’aboutissement d’un rêve datant de plusieurs dizaines d’années.
Général
Associée à la Route de la Soie, titre d’un livre de l’excellent auteur libanais Amin Maalouf, Samarcande est l’une des villes les plus mythiques d’Asie centrale. Située dans le centre-est de l’Ouzbékistan, elle compte aujourd’hui 505 000 habitant-es (2015). Le site de Samarcande est occupé depuis le Paléolithique inférieur (soit entre 3 – 2,5 millions d’années et 300 000 ans avant aujourd’hui), mais, selon les archéologues, la ville aurait été fondée entre 650 et 550 av. J.-C. par les Sogdiens, un peuple scythe. Ils ont donné leur nom à la Sogdiane, une province d’Asie centrale qui joua un rôle majeur dans la région. Samarcande en fut la capitale, tant au plan politique que culturel que commercial. Il semblerait par ailleurs qu’un dialecte dérivé du sogdien soit encore parlé dans quelques villages autour de Samarcande.
Toutefois, l’influence du peuple sogdien s’est éteinte avec l’arrivée d’autres peuples: d’abord les Grecs, menés par Alexandre le Grand. Il a conquis la ville en 329 av. J.-C.; elle changea alors de nom pour Maracanda. Puis, les Sassanides en prirent le contrôle, vers 260 après J.-C., suivis par les Shvetahûnas (ou Huns blancs), les Köktürks (ou Turcs Bleus), les Sassanides à nouveau et les Chinois (de la dynastie Tang). Vinrent ensuite les Omeyyades, en 710. Leur arrivée marqua le début de l’islamisation de Samarcande. Puis, les Abbassides, les Samanides, les Seldjoukides et les Khwârezm-Shahs ont tour à tour occupé la ville. En 1220, les Mongols, Genghis Khan en tête, débarquèrent à Samarcande (on peut imaginer le chaos…). Tamerlan a par la suite amorcé la période des Timourides, en 1369. Samarcande devint la capitale de son empire. L’arrivée des Chaybanides, un peuple ouzbek, en 1507, coïncida avec le début du khanat de Boukhara, auquel était rattachée Samarcande. Le khanat s’est transformé en émirat en 1785. Enfin, les Russes se pointèrent dès 1868 et firent de la ville un protectorat. L’année 1920 a été caractérisée par la proclamation de la République populaire soviétique de Boukhara. En 1925, Samarcande fut nommée capitale de la République socialiste soviétique d’Ouzbékistan pour cinq ans, avant de laisser la place à Tachkent. La situation de Samarcande n’a guère changé lors de l’indépendance de l’Ouzbékistan, en 1991. Voilà, en un résumé très – trop – succinct, l’histoire de Samarcande. Vous êtes maintenant ferrés pour vos prochains « pub quiz ». À noter que la ville a célébré son 2750e anniversaire en 2007, malgré l’imprécision de la date de sa fondation. Comme quoi toutes les raisons sont bonnes pour lancer un party. Et dire que Montréal ne célèbre que son 375e anniversaire cette année. Ça remet les choses en perspective…
Je n’ai hélas pas eu le temps de visiter la « nouvelle ville », soit la portion plus « russo-soviétique » de Samarcande, mais pour le peu que j’en ai vue, elle semblait jolie. On peut en voir une partie quand on prend le bus 3, qui sillone les principales artères du quartier. Il m’a rappelé les capitales des pays baltes, avec son architecture européenne, colorée. Cette statue de Tamerlan, trônant près du Gour Emir (son mausolée), délimite en quelque sorte la frontière entre la « vieille » et la « nouvelle » ville.
Par ailleurs, j’ai assisté à plusieurs pannes d’électricité. Elles survenaient généralement en fin d’après-midi ou en début de soirée. Par exemple, le 24, il y en a eu une le matin et deux en soirée. Elles duraient parfois quelques minutes, parfois une heure et des poussières. Je n’ai pas vécu ce phénomène ailleurs en Ouzbékistan. Ce n’est pas un problème majeur, certes, mais ça peut causer des désagréments. Surtout quand il fait froid dans la chambre. Mais bon, tant que celle-ci compte quelques couvertures bien chaudes…
Enfin, les prix mentionnés dans ce billet sont changés au taux officiel, soit 3200-3300 soms pour 1 $ US, et non à celui du marché noir, soit 6200 à 6500 soms pour 1 $ US.
Transports
J’ai pris un train depuis Boukhara. Le billet m’avait coûté 35 000 soms (environ 13,90 $ CAN); je l’avais acheté dans une agence de Boukhara. Départ de mon auberge, l’Hostel Rumi, vers 7 h. Le taxi a mis environ 20 minutes pour se rendre à la gare; la course m’a coûté, si je me souviens bien, autour de 13 000 soms (environ 5,16 $ CAN). J’ai dû aussitôt franchir un contrôle d’identité, à la clôture du terrain de la gare. Puis, j’ai passé un contrôle de sécurité à l’entrée de la gare elle-même. Vérification du billet, du passeport et des bagages. Rien de trop intense, plus une formalité qu’une corvée. Le trajet a duré, de mémoire, environ 3 heures. Pendant le trajet, j’ai bu un thé à 2000 soms (environ 0,79 $ CAN). Il faisait plutôt froid dans le train, au moment du départ, alors le thé tombait à point.
Le bus 3 relie la gare de Samarcande à la place du Régistan, entre autres. Le bus part du stationnement en face de la gare. L’expression de surprise des autres passagers devant la présence d’un touriste dans le véhicule vaut le prix du billet à elle seule. Le trajet coûte 900 soms (environ 0,36 $ CAN) et dure environ 40 minutes. L’arrêt se devine sans peine: quand on voit la place du Régistan, à notre gauche, c’est le temps de descendre. C’est l’arrêt « Registon », en face du magasin Registon, sur la rue Registon. Une implacable logique. De toute façon, un contrôleur crie le nom de chaque arrêt; on lui paie la course en sortant. Prévoir le montant exact, il ne distribue pas la monnaie.
J’ai en outre remarqué la présence de nombreuses rampes d’accès dans les lieux publics. J’en avais vues aussi à Tachkent, mais c’était encore plus frappant à Samarcande.
Hébergement
J’ai dormi à l’auberge Furkat, à environ cinq minutes à pied de place du Régistan, dans un paisible quartier résidentiel. Tellement paisible qu’on n’a pas cru bon d’y installer des lampadaires. Or cette absence faisait en sorte que, le soir, on ne voyait presque rien dans la rue, en raison de la noirceur du noir. J’ai payé 11 $ US la nuit (environ 14,40 $ CAN) pour un lit dans un dortoir mixte de cinq lits, déjeuner inclus. Or, puisque l’auberge était aussi déserte qu’une laverie un soir de Super Bowl, on m’a transféré dans une petite, mais confortable chambre individuelle pour le même prix. Toujours apprécié. En plus, elle possédait une chaufferette qui m’a été fort utile. Le copieux déjeuner est servi dans une salle à manger à la décoration chargée. Une charmante cour intérieure propose des espaces de détente parfaits pour boire du thé. Une terrasse avec bar a par ailleurs été aménagée sur le toit; la vue sur la place du Régistan devrait émouvoir les âmes les plus insensibles. Malheureusement, le bar était fermé lors de mon passage. Dommage.
On peut aussi changer de l’argent à l’auberge, au taux du marché noir, acheter des bouteilles de vin ouzbek rouge ou blanc à 6 $ US (environ 7,85 $ CAN) et discuter de Guy Lafleur et Ken Dryden avec le propriétaire. Je n’en reviens pas encore d’avoir eu une surréelle discussion en Ouzbékistan sur le hockey des années 1970-1980. Je me sentais en 1983 et ce n’était pas à cause de mon choix d’eau de toilette. À noter que les portes de Furkat sont barrées à 23 h. Il faut alors déranger le personnel pour rentrer plus tard. Mais, de toute façon, à la surprise de personne, Samarcande n’est pas Barcelone, côté fête.
Restaurants
Un restaurant dont je n’ai pas noté le nom (Chorsu?) se trouve dans un édifice de l’artère piétonnière/rue Toshkent, à côté du parc situé à l’est de la place du Régistan. On y sert une assiette de plov à seulement 8000 soms (environ 3,18 $ CAN). Une gigantesque portion de plov en plus, avec salade et dessert. Je n’ai pas été capable de tout manger. Le Grand Antonio l’aurait été, lui. Bonus: un service attentionné. Une panne d’électricité est survenue pendant mon repas, de sorte que j’ai mangé dans le noir. On était alors plusieurs clients, mais personne n’a bronché. Plov as usual, comme on dit en bon français. J’ai remarqué que le restaurant était ouvert vers 21 h 15, un lundi soir. J’ai senti que c’était un des rares établissements du coin avec de telles heures ouverture.
Le Cafe Labig’or a élu domicile à cinq pas de la place du Régistan. L’été, le restaurant doit être très cool, avec ses terrasses ouvertes sur deux étages. Comme j’y étais en octobre, je n’ai pu profiter de celles-ci. Il faisait même plutôt frais le soir, malgré la présence d’une chaufferette. Et, encore une fois, j’ai mangé pendant une panne d’électricité. Décidément, si j’étais un X-Men, j’aurais le superpouvoir de provoquer ces pannes. Les shashliks – des brochettes d’agneau et de boeuf – étaient bonnes, au moins. Prix du repas (avec une bière): 36 000 soms (environ 14,30 $ CAN).
Le Café NordAgris a choisi de s’installer à côté de la mosquée Bibi-Khanym. Ça se comprend: l’emplacement s’avère idéal pour un maximum de visibilité. Un peu comme un restaurant de malbouffe à côté d’une école secondaire. Maintenant, le café possède un côté que d’aucuns qualifieraient de branché, avec les prix que l’on peut imaginer. Le plov coûtait, vite comme ça, 21 000 soms (environ 8,35 CAN), avec un coca et du pain. Par contre, l’ambiance y était chaleureuse. Le café aurait une terrasse avec vue sur la mosquée, mais je me suis assis à l’intérieur sans trop savoir pourquoi.
Achats
Le bazar Siyob jouxte la mosquée Bibi-Khanym. Il serait le plus gros bazar de Samarcande. On peut y dénicher quantités de produits pour tous les besoins. J’y ai acheté du safran et des mélanges d’épices pour le plov, le lagman et les shashliks. On peut aussi y changer de l’argent au noir, mais les taux qu’on m’a proposés étaient peu avantageux. Les négociations sont de mise, mais la barrière de langue peut entraver le processus. J’ai par ailleurs été approché par des mendiants et, malgré mes années de voyage, j’ai encore l’impression de ne pas savoir comment vraiment aider les gens. Enfin.
Le magasin Registon, un savant mélange entre une pharmacie Jean Coutu et un magasin Rossy, est situé à côté de la place du Régistan. Seul magasin du genre que j’ai vu en Ouzbékistan. J’y ai effectué quelques courses, pas tant parce que j’avais besoin de quelque chose que pour le plaisir de découvrir les parfums en vogue à Samarcande – ceux dans la section des savons et déodorants, du moins. J’ai donc acheté du savon pour le corps, du shampoing et du déodorant. Mais tout ça m’a été saisi à l’aéroport de Toronto, à la suite d’un fâcheux concours de circonstances que je raconterai peut-être quand j’aurai pardonné au douanier zélé qui a fouillé mes bagages.
Amateurs de pain (et je ne m’adresse ici pas juste à mon lectorat français), j’ai découvert un kiosque qui vend du pain frais à l’un des arrêts du circuit du bus 3. Il se trouve un peu plus loin que la place du Régistan et le parc adjacent, vers l’est, à l’entrée d’un virage. Ce type de pain serait typique de Samarcande; une amie de Tachkent m’avait même demandé de lui en rapporter un. J’en ai ainsi acheté un pour 3000 soms (environ 1,19 $ CAN). Il était tout chaud, tout frais. Il sentait bon. J’ai voulu en manger plusieurs morceaux. Je me sentais comme Homer Simpson devant une boîte de beignes. Mais j’ai résisté, grâce à ma volonté de fer.
Des boutiques de souvenirs jalonnent l’artère piétonnière/rue Toshkent. Beaucoup de babioles, à des prix plus ou moins décents. Peut-être pas le meilleur endroit pour acheter ses souvenirs en Ouzbékistan, mais au moins, le choix était là. En outre, l’office de tourisme/bureau de poste est installé dans ce réseau d’édifices. L’office donne des renseignements, bien sûr, mais vend aussi des excursions. Je n’en ai pas réservées, car, en octobre, plusieurs des lieux à visiter avaient déjà subi les assauts de l’hiver imminent. Et comme je ne cherchais pas le froid, l’ayant à la maison plusieurs mois dans l’année… j’ai noté quelques prix, toutefois, j’en parlerai dans un billet ultérieur.
Des artisans ont ouvert leur boutique dans un édifice commercial près du mausolée de Rukhobod, lui-même voisin du Gour Émir, le mausolée de Tamerlan. J’y ai acheté de beaux petits bols pour le thé (3 pour 21 000 soms) à une gentille et talentueuse artiste qui se débrouillait bien en anglais. Faits à la main, ils possède tous leurs propres motifs. Adorables souvenirs. J’ai acheté passablement de trucs inutiles dans ma vie, alors pour une fois, j’étais heureux de joindre l’utile au joli. J’avais pris la carte professionnelle de cette artiste, mais je l’ai perdue. La carte, pas l’artiste. Fichtre… enfin.
Prochain billet: quoi faire à Samarcande…
Super intéressant! Moi aussi c’est des noms qui me font rêver justement, enfin par précisément Samarcande, mais Tamerlan oui, puis les Omeyyades. C’est bien eux d’ailleurs qui étaient à Cordoue il me semble? T’as raison, après ça, on est paré pour un quiz haha
Merci Vanessa! En effet, ces noms ont quelque chose de magique. Et oui, Google dit que les Omeyyades étaient à Cordoue. À un prochain pub quiz, alors…