Janitzio (« là où il pleut ») est l’une des îles sur le lac de Pátzcuaro, dans l’État mexicain de Michoacán. Elle est en fait la plus grande et la plus visitée. Elle est aussi l’un des principaux lieux de célébrations de Día de Muertos. Quand j’ai décidé d’assister à ces célébrations, à Pátzcuaro, j’avais l’intention d’aller à Janitzio. D’autant plus que la chambre que je louais se trouvait à quelques minutes à pied du muelle general (« quai général »), d’où partent les bateaux pour Janitzio. Je n’avais donc aucune excuse pour ne pas y aller.
Observation générales
Janitzio est située au coeur d’une région jadis habitée par le peuple purépecha. L’île compterait environ 2500 habitant-es (2010) et elle végète à près de 2100 mètres d’altitude. En lisant sur cette même région, on constate, selon les sources, des variations entre les altitudes de différents points pourtant proches. Alors disons une fois pour toutes que Pátzcuaro, le lac et les îles sont à environ 2000 mètres d’altitude. Case closed.
L’île est populaire, aucun doute là-dessus. À la lueur de mes observations, les Mexicain-es constituent le plus important groupe de touristes. Un fait qui s’inscrit dans la tendance que j’ai remarquée ailleurs dans le pays: les Mexicain-es voyagent dans leur pays. Et je les comprends. L’achalandage augmente durant Día de Muertos, car le Michoacán possède la réputation d’être l’un des endroits les plus intéressants pour cette fête. L’île donne ainsi la belle part aux festivités, en particulier le 1er novembre. Une cérémonie spéciale se déroule alors: des offrandes sont déposées sur les autels dédiés aux morts, une procession caractérisée par l’abondance de cierges et de cantiques religieux défile dans les « rues » (sentiers?). Je n’y ai hélas pas assisté, car j’étais occupé à vadrouiller maquillé en Abbath dans les rues de Pátzcuaro.
On réalise que, sur le versant faisant face à Pátzcuaro, tout ou presque a été développé pour le tourisme. Sur l’autre versant, par contre, on entrevoit des bribes de « vie quotidienne authentique où l’on peut rencontrer l’Autre». Le contraste est plutôt évident, pour quiconque se donne la peine de regarder.
Des pêcheurs sillonnent le lac à bord de chétives embarcations. Leur notoriété vient du fait qu’ils utilisent des filets en forme de papillon et qu’ils ont développé des techniques pour les employer de manière optimale. Le lac abrite par ailleurs un poisson unique au monde, un poisson blanc nommé « Chirostoma estor » (mieux connu sous le nom de « pescado blanco »). Fierté locale, la bête peut mesurer jusqu’à 40 centimètres de long et peser jusqu’à 500 grammes. Cependant, le volume d’activité sur le lac aurait diminué au cours des dernières années, en raison de la surpêche et de la pollution agricole.
Les pêcheurs se prêtent aujourd’hui aux fantaisies photographiques des touristes, en échange d’un don. D’aucuns pourraient dénoncer cette situation, mais en toute franchise, quel autre choix s’offre aux pêcheurs? Fait intéressant: ces derniers ont déjà figuré à l’arrière du billet de 50 pesos. Les billets plus récents montrent plutôt l’aqueduc de Morelia.
Un endroit comme Janitzio me fascine, car il dégage une ambiance particulière, créée par la rencontre entre les vieux volcans fatigués, l’eau couleur café au lait avec trop de lait, l’altitude, les ombres des nuages qui tapissent le lac, les bateaux qui dansent sur l’eau, le temps qui s’écoule avec la lenteur d’une coulée de mélasse. Un site parfait pour écouter votre album préféré de Blind Guardian.
Activités et attractions
La statue du révolutionnaire mexicain José María Morelos y Pavón (1765-1815) trône au sommet de l’île. Et on ne parle pas d’un gnome comme le Manneken Pis, oh que non. On parle d’un freakin’ colosse de 40 mètres de haut, visible depuis les bateaux qui progressent en toussant vers l’île. Une vision surréelle. Cette oeuvre est la deuxième plus grande statue du pays. Toutefois, elle aurait, dit-on, besoin de travaux de réfection, mais pour le moment, aucun projet en ce sens ne serait dans les cartons des autorités.
Le projet d’une telle statue fut lancé à l’époque par le gouverneur de l’État du Michoacán (et président mexicain entre 1934 et 1940) Lázaro Cárdenas del Río, durant son mandat (1928 à 1932). Elle a été conçue par les sculpteurs Guillermo Ruiz (1894-1965) et Juan Cruz Reyes (1914-1991). Les travaux ont commencé en 1933, mais la statue n’a été inaugurée qu’en 1947. À l’intérieur, 56 murales dépeignent la vie de Morelos. Elles furent réalisées par Ramón Alba de la Canal (1892-1985), entre 1934 et 1940. L’ensemble est désigné sous le nom de Museo Morelos.
En relisant mes notes, j’ai constaté que j’avais oublié d’écrire le prix d’entrée. Il en coûte, de mémoire, 25 ou 30 pesos (environ 1,67 – 2,02 $ CAN) pour y accéder. Je blâme les jarros locos et les Indio pour ce manque de rigueur.
Des escaliers mènent à une étroite plateforme ouverte sur le crâne de Morelos. La vue à 360 degrés permet d’embrasser la région du regard. Paysages envoûtants, vents puissants.
Un belvédère a en outre été aménagé devant la statue. S’y réunissent touristes peinards, artistes ingénieux, vendeurs ambulants, enfants survoltés, chiens dociles et autres. À noter qu’il en coûte 10 pesos (environ 0,67 $ CAN) pour entrer dans la zone au sommet de l’île.
Des danseurs traditionnels exécutent leurs numéros sur le belvédère et derrière la statue. Ce genre d’exhibition peut soulever des objections légitimes à propos de ses impacts sur les cultures concernées. Néanmoins, cette pratique permet de préserver des traditions qui, autrement, ne seraient sans doute jamais exposées au public. Quoi qu’il en soit, les danses suscitaient l’enthousiasme des foules. J’ai été impressionné. Les danseurs passaient un chapeau pour recueillir les dons après chaque numéro. J’ai donné généreusement.
J’ai commencé par présenter la statue, parce qu’elle est l’attraction principale de l’île, mais, depuis le débarcadère, on rencontre divers trucs avant d’arriver au sommet. Le Templo de San Jerónimo est l’une des premières structures que l’on remarque, dans cette lente et « sudative » montée. D’apparence extérieure sobre, l’église ne figurera jamais dans un « Top 11 des plus belles églises mexicaines ». L’intérieur avait été décoré avec pompe pour Día de Muertos. J’y reviendrai.
Puis, un cimetière. Décoré pour Día de Muertos, lui aussi. Petit, à flanc de colline. Discret. Digne.
Un terrain de basketball. Comme quoi il existe bel et bien une vie « normale », ici.
En chemin, des restaurants et des boutiques enracinées dans la colline génèrent une animation bourdonnante. Cependant, l’odeur de poisson frit pourrait rebuter les narines plus sensibles. L’achat de souvenirs reste ici l’une des activités majeures. Beaucoup de pacotille, certes, mais des artistes vendent ça et là leurs créations originales. L’une d’entre elles collectionnait les canettes de bière vides pour façonner ses oeuvres. J’ai fièrement contribué à son art.
À partir du sommet, on peut observer le lac sous différents angles. Et le ciel… infini.
On peut aussi y boire de l’alcool et réfléchir au sens de l’existence. Une bière, un drink ou, pourquoi pas, les deux. La dégustation d’un jarro loco (littéralement, « pot/pichet/cruche fou ») accompagne à merveille les divagations philosophiques.
Le prix d’un jarro loco varie selon l’endroit où on l’achète, mais il devrait amputer le portefeuille de 40 à 70 pesos (soit de – environ – 2,70 à 4,72 $ CAN). Par ailleurs, on peut acheter une bouteille de charanda, l’ingrédient clé de ce drink, pour 75 pesos (environ 5,06 $ CAN). Propre à l’État du Michoacán, en particulier de la région de Uruapan, le charanda est une liqueur obtenue par la distillation de canne à sucre. Son nom signifie « sol rouge », en langue purépecha.
En achetant une bière dans un resto/bar, j’ai eu une conversation inattendue avec un employé de restaurant. Traduction libre:
– Moi: Je vais prendre une bière. Une Indio, svp.
– L’homme: 30 pesos [environ 2,05 $ CAN]
Je donnai l’argent.
– Moi: j’ai soif, il fait plus chaud que je ne le pensais. Et je dois aussi me protéger de ce soleil, sinon je vais brûler.
– L’homme: je te comprends, j’étais blanc comme toi, avant de venir vivre ici.
On s’est regardés. Une longue seconde s’écoula. Et on a éclaté de rire. Même Tirésias aurait deviné que cet homme était né dans un pays latino-américain.
Hébergement
Je n’ai pas dormi à Janitzio, je logeais à Pátzcuaro. Je n’ai donc pas de recommandation, côté dodo.
Nourriture
Les restaurants abondent dans l’île. Leurs menus ne paraissaient toutefois pas se démarquer par leur originalité, les mêmes plats semblaient revenir d’un établissement à l’autre. Mais comme je suivais davantage une diète liquide, lors de mes passages, je ne peux suggérer de restaurant.
Transport
Janitzio est une petite île. Elle ne peut donc être jointe que par bateau. Un billet ouvert Pátzcuaro/Jantizio coûte 60 pesos (environ 4,05 $ CAN) pour un aller-retour. La trajet dure environ 30 minutes. En temps normal, le premier bateau part de Pátzcuaro vers 7 h 30 et le dernier bateau part de Janitzio vers 18 h. Lors d’événements spéciaux, il faut vérifier avec soin l’heure du dernier bateau vers Pátzcuaro, à moins de vouloir passer la nuit sur l’île. Ainsi, exceptionnellement, pour Día de Muertos, les horaires avaient été changés; à Pátzcuaro, le 1er novembre, j’ai vu des bateaux partir et arriver de Janitzio en pleine nuit, vers 1 h 30. Le 2, le dernier revenait de Janitzio à 20 h.
Aucun véhicule ne circule sur l’île. Quel bonheur de pouvoir déambuler dans un lieu sans craindre de possibles incidents avec des chauffeurs du dimanche. De toute façon, puisque Janitzio ressemble à un chancre émergeant des flots, n’importe quel véhicule aurait de la difficulté à y circuler; l’inclinaison est prononcée, même pour un piéton à jeun. Les livreurs de tout acabit doivent être en excellente forme physique. Contrairement à moi.
Prochaine destination: Tzintzuntzan.