Quand on pense aux capitales d’Amérique du Sud, Paramaribo ne vient pas immédiatement à l’esprit, sauf pour les nerds qui hantent les pub quiz. Avec ses 241 000 habitant-es (2012), Paramaribo est la capitale la moins peuplée d’Amérique du Sud, avec Georgetown (Guyana). Une ville pour les adeptes de marche, puisque le centre historique se découvre en un après-midi. Alors celles et ceux qui paniquent dans des métropoles comme Buenos Aires, Lima ou Bogotá se sentiront plus à l’aise à Paramaribo. Ma copine et moi y avons séjourné du 24 au 27 avril 2018.
Ti-brin d’histoire
Les origines de Paramaribo remontent à l’établissement par les Néerlandais, en 1613, d’un comptoir commercial sur la rive gauche du fleuve Paramaribo. Le site a été abandonné peu après, avant d’être occupé par les Anglais, autour de 1650. Les Français ont aussi grenouillé près du site, à cette époque. En 1667, les Néerlandais ont repris le contrôle du comptoir et du fort Zeelandia (voir plus bas). Puis, les années se sont écoulées, la population de la ville a augmenté de façon considérable après l’abolition de l’esclavage, en 1863, et la permission accordée aux anciens esclaves de quitter leur travail et les plantations, en 1873. La ville a aussi connu de tragiques incendies majeurs, comme celui de 1821 (400 habitations détruites) et de 1832 (50 habitations détruites). En 2002, son centre historique a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je sais, oui, j’ai sauté plusieurs dates importantes, mais je fais confiance à vos stupéfiantes compétences en matière de recherche pour compléter la leçon d’histoire.
Le nom de la capitale viendrait de la tribu Paramaribo, qui vit (vivait?) à l’embouchure du fleuve, sur un emplacement appelé Parmirbo (devenu Paramaribo). Le nom proviendrait d’une langue issue de la famille tupi-guarani et signifierait « large fleuve » (« para ») et « habitants » (« maribo »). La ville se trouve ainsi à environ 15 kilomètres de l’océan Atlantique. Le cours d’eau est la colonne vertébrale du pays, au point qu’il a défini l’organisation sociale des habitant-es. De nombreux villages se sont construits le long de ses rives et le bateau est devenu un aspect essentiel du mode de vie de ces gens.
Observations générales
Premier constat en posant nos sacs à Paramaribo: le centre historique présente une architecture qui n’a rien en commun avec celle que l’on rencontre habituellement dans le monde latino-américain. Ici, des maisons en bois à plusieurs étages, des couleurs sobres, voire ennuyantes, des galeries… on est loin de la colorée Carthagène.
Paramaribo n’a donc rien d’une ville « typique » latino-américaine. Ni dans l’architecture, ni dans l’ambiance, ni dans les langues entendues dans les rues, etc. Elle appartient au monde afro-caribéen/antillais. On se sent plus, disons, à Port-d’Espagne que dans le centre historique de Quito. Les influences néerlandaises – et, dans une moindre mesure, anglaises et françaises – enrobent la capitale surinamienne.
En outre, la moitié de la population du pays vit dans la capitale. Or, en raison de l’histoire tourmentée du Suriname, les habitant-es proviennent de plusieurs régions de la planète. On croise par conséquent des personnes d’origines variées dans les rues de la ville. Selon Wikipedia, la population paramaribienne se compose de descendant-es de Créoles, d’Indien-nes, de personnes aux origines multiples (je ne suis pas à l’aise avec des termes comme « métis » ou « multiracial », ils sont trop connotés à mon goût), de Maroons (les descendants des esclaves africains), de Javanais-es, d’Autochtones, de Chinois-es, de Néerlandais-es, de Portugais-es, de Libanais-es, de Juifs et de Juives, de Guyanais-es, entre autres. Pour plus de détails (et pour des termes peut-être plus appropriés que ceux que j’ai utilisés dans mes traductions, voir la page Wikipedia en anglais sur Paramaribo):
Cette mixité a laissé des traces à tous les plans du quotidien, de la nourriture (les plats indonésiens ont la cote) aux langues des enseignes. Certes, nombre de grandes villes mondiales peuvent revendiquer une telle diversité, une telle combinaison d’influences (à commencer par Montréal), mais dans le cas de Paramaribo, cette caractéristique se remarque davantage, vu la faible densité de population. On a par ailleurs noté que les épiceries semblaient tenues par des personnes aux origines asiatiques. Une situation qui nous a rappelé celles de Montréal et de la province de Québec. Un parallèle intéressant pour les Québécois-es que nous sommes.
Sans surprise, le néerlandais domine les conversations et les écrits. On n’a cependant jamais eu de problème à se faire comprendre en anglais. L’espagnol et le français m’ont paru inexistants.
La ville se situe à une altitude de… trois mètres au-dessus du niveau de la mer. Et le climat est tropical. Bonjour l’humidité. D’ailleurs, lors de notre premier après-midi en ville, on a vérifié la température: 41 °C avec le facteur humidex. Mes aisselles en pleuraient de bonheur.
Côté sécurité, le jour, tout allait comme sur des roues de Segway. Mais un guide local m’a affirmé que certains secteurs étaient a éviter, le soir. Hélas, la rencontre avec un animal sauvage dans la jungle du parc nature Brownsberg a fait dévier la conversation avant qu’il n’ait pu me révéler les secteurs en question. Et on n’a jamais repris cette conversation. Je suggérerais donc, avant de sortir, d’aller à la pêche aux renseignements auprès du personnel de votre lieu d’hébergement et de vous ajuster en conséquence.
On a été approchés à plusieurs reprises par des mendiants. D’aucuns ont même déployé une originalité dans leur approche: la fausse rencontre du genre « hey, on s’est vus hier soir à l’aéroport » (non, mais bon) ou le compliment sur la beauté de ma copine (un homme de goût, visiblement). Dans tous les cas, l’approche s’est conclue par une demande d’obole sans agressivité.
Attractions
Fort Zeelandia constitue l’attraction principale de la ville. Cet ancien fort érigé sur la rive gauche du fleuve Paramaribo a exercé une influence majeure dans le développement de la ville et du pays. Le fort a d’abord été construit par les Néerlandais, car il protégeait leur comptoir commercial. Les Anglais l’ont conquis en 1651 et l’ont rebaptisé Fort Willougby (en l’honneur de Lord Francis Willoughby). En 1667, les Zélandais ont repris le complexe et l’ont renommé Fort Zeelandia. Il comptait à l’origine cinq bastions, mais seuls trois subsistent aujourd’hui. Des travaux de réfection ont eu lieu en 1967 et le musée du Suriname y installa alors ses pénates. En 1982, il est devenu le quartier général de militaires proches du dictateur Dési Bouterse; plusieurs opposants au régime y ont été emprisonnés, torturés ou même exécutés (dont quinze le 8 décembre 1982, un événement connu comme « les massacres de décembre »).
Aujourd’hui, les fortifications sont encore debout et, depuis 1995, le musée du Suriname y a repris ses locaux. Il relate, comme son nom l’indique, l’histoire de la ville et du pays. Malheureusement, les panneaux explicatifs ne sont presque tous qu’en néerlandais, sans traduction en anglais ou en français. Toutefois, quelques panneaux avec des explications en anglais ont été installés ça et là, mais la logique derrière ces traductions m’échappe. On comprend que le public est principalement composé de néerlandophones. Pas un problème en soi, mais j’aurais quand même aimé en apprendre plus sur les artefacts exposés. L’entrée coûte 25 $ SR (environ 4,34 $ CAN). Malgré mes critiques, je recommande la visite, ne serait-ce que pour connaître un site majeur de l’histoire du Suriname.
La Mosquée S.I.V. (ou mosquée Keizerstraat) et la synagogue Neveh Shalom sont voisines. Littéralement. Une vision pour le moins rare. On m’a affirmé que la cohabitation des fidèles de différentes religions se passait bien, ici. Les gens se respectent, au-delà des caractéristiques propres à leur foi. Si seulement ce pouvait être le cas ailleurs, surtout dans les régions déchirées par la violence interconfessionnelle. Je suis aussi passé en voiture devant le temple hindou Arya Dewaker, mais je n’ai pu en prendre de bonne photo. Ceci dit, la mosquée est jolie, avec ses minarets et son dôme. Elle sert de quartier général au Lahore Ahmadiyya Movement for the Propagation of Islam in Paramaribo in Suriname, soit le « Surinaamse Islamitische Vereniging » (le « SIV » du nom) en néerlandais. Une première communauté musulmane s’est établie à Paramaribo en 1929; la première mosquée, toute en bois, a été inaugurée en 1932. La mosquée actuelle date de 1984. Une légende soutient que Muhammad Ali l’a visitée en 1979.
La synagogue Neveh Shalom est la seule du pays. La première communauté juive du Suriname remonte à l’arrivée d’un groupe de séfarades, en 1639. Elle a choisi de s’installer sur un territoire autonome, sur les rives du fleuve. Une première synagogue en bois a été construite en 1665, puis elle a été remplacée par un édifice en briques, en 1685. La communauté s’est peu à peu vidée, car ses membres ont préféré aller vivre à Paramaribo, la seule véritable ville du coin. En 1716, des ashkénazes ont acheté une parcelle de terrain sur Keizerstraat. Une synagogue y apparut en 1723. Par contre, elle se dégrada peu à peu jusqu’en 1837. Elle fut ensuite restaurée; les travaux se terminèrent en 1842 et la synagogue tient bon depuis.
La Kathedrale Basiliek St.Petrus & Paulus serait la plus grande construction en bois de « l’hémisphère ouest, selon Wikipedia. Que cette information soit vraie ou non, cette oeuvre sobre botte des culs. Plus de 900 personnes peuvent y prendre place. L’édifice actuel existe depuis 1826, quand un ancien théâtre juif a été transformé en église. Puis, l’édifice est devenu une cathédrale en 1885, à la fin de travaux entrepris en 1882. Ses tours ne furent cependant pas complétées avant 1901. D’autres travaux majeurs ont été achevés en 2010. La cathédrale se trouve sur Henck Arronstraat; suivez les clochers.
Le bar de l’Hotel Krasnapolsky se veut un arrêt agréable en milieu de journée, quand la chaleur et l’humidité parviennent à terrasser les endurances les plus coriaces. En plus d’une jouissive climatisation, l’établissement offre un choix de boissons qui devrait satisfaire les plus assoiffé-es. À 41 °C, la Parbo descend dans l’œsophage avec la rapidité d’une luge olympique.
La galerie d’art-magasin de souvenirs Readytex, au coin des rues Maagden et Steenbakkerij, devrait combler les besoins en souvenirs de tout un chacun. D’aucuns décriraient ce magasin comme « piège à touristes » et, s’il y a un peu de vrai dans cette opinion, reste qu’il propose un choix énorme pour des souvenirs en tous genres: des pains de savon créés à partir de produits de l’Amazonie aux livres de recettes surinamiennes aux masques en bois aux cartes postales aux aimants de frigidaire. Bref, l’endroit idéal pour flamber ne portion non négligeable de son budget.
Le Waterkant est une zone longeant le fleuve, dans le centre; on y découvre un Craft Market (un marché d’artisanat), des restaurants pas chers et d’autres plus chers, des agences de voyage, un parc avec des jeux pour enfants, des bateaux (duh) et bien plus. Bon, ce n’est pas le Malecón de La Havane, en termes d’intérêt, mais l’endroit permet de constater à quel point le fleuve Suriname est large. Pas un jet de pisse comme le Tibre, non; on parle d’une voie navigable d’envergure, capable d’accueillir des navires à fort tonnage, tels des tankers. Le port de Paramaribo grouille d’activité, d’ailleurs. C’est la principale source de revenus non seulement de la capitale, mais aussi du pays, en raison de ses ramifications dans d’autres secteurs (finances, assurances, commerce, etc.). Enfin, si l’envie de vous balancigner vous prend, des balançoires sauront combler votre désir de retour à l’enfance. Et en plus, un dragon en bois veille sur les lieux.
Un marché central (le « Central Market ») trône le long du Waterkant. Pour une raison étrange, on n’y a pas été. Pourtant, j’adore les marchés, même les trucs obscurs comme le marché aux puces de Bromont. Ma copine aussi. On voulait donc aller au marché central, mais on tenait d’abord à régler quelques trucs. Puis, la vie étant ce qu’elle est, on n’y a pas mis les pieds. On a tout de même passé devant en quittant la ville pour le parc nature Brownsberg. On a aussi admiré l’édifice du Central Money Exchange et et sa tronche d’enfer.
Une zone de bars sévit sur Kleiner Waterstraat, près de l’Hotel Royal Torarica. On n’est pas sortis en soirée, mais si on avait voulu effectuer la tournée des grands-ducs, on aurait pu aller là. Là ou au resto/bar Kokobana, tout près de notre B & B. D’ailleurs, l’Hotel Royal Torarica aurait construit un quai sur le fleuve, quai à partir duquel on peut observer le puissant courant, drink en main, et méditer sur de profonds sujets, comme « pourquoi faire perdre Sting à son premier match dans la WWE? » ou « quel album de 1994 parmi les trois suivants a le plus influencé le développement du métal européen: Amok, Tales from the Thousand Lakes ou Wildhoney? ».
Les agalmatophiles seront ravis, car Paramaribo compte son lot de statues. Des figures historiques régionales et nationales, certes, mais aussi celles de personnes étrangers, comme celle de Gandhi, tout près du bureau de poste.
Le Palmentuin est une palmeraie dans le centre historique. On n’y a pas été, mais on peut apercevoir les arbres en se baladant aux alentours. En toute franchise, je ne vois pas l’intérêt d’une telle attraction. Le parc semble petit et les palmiers sont des arbres somme toute communs, dans cette région du monde. Enfin. C’est peut-être ce qui se rapproche le plus d’une promenade romantique dans un parc, dans le coin, alors les Roméo et Juliette de tout acabit pourraient apprécier cette expérience.
La suite de ce billet sera publiée sous peu.