Le 26 avril 2018, ma copine et moi avons pris part à une excursion pour voir des dauphins dans le fleuve Suriname, mais surtout, pour observer des tortues préparer des nids sur une plage. On a payé 60 euros chacun (environ 91,90 $ CAN) pour cette excursion et le prix incluait tout: transport, services d’un guide, nourriture et boisson. On l’a réservée auprès de l’agence de notre B & B de Paramaribo, Famiri. Les prix sont les mêmes d’une agence à l’autre, alors pas besoin de magasiner.
Et c’est un départ
On a quitté notre B & B vers 16 h, quand notre guide et un chauffeur sont venus nous chercher; après un arrêt pour acheter de la nourriture, on s’est rendus au quai d’embarquement, à une vingtaine de minutes de route hors de la capitale. En chemin, on a croisé des maisons luxueuses, propriétés de gens influents du pays, comme le président. Y a rien de trop beau pour les « puissant-es »…
Une passerelle d’une quinzaine de mètres, rattachée au quai, enjambait une zone marécageuse couverte par des déchets en tous genres. Je ne parle pas ici d’un sac de Doritos bleues au steak grillé sur le BBQ qu’un quidam aurait jeté parce que c’était trop dégueulasse; non, je parle d’une abondante couche de détritus qui cache presque toute ladite zone. Triste scène. Le bateau nous attendait, avec ses huit passagers (tous des Néerlandais, saurons-nous plus tard) et deux membres d’équipage. On a pris place à l’avant du navire et on a fendu les eaux du fier fleuve Suriname. Le vent soufflait et gonflait mes cheveux. Je me sentais comme Fabio par une journée d’été venteuse à Milan.
Cependant, le bruit du moteur nuisait aux conversations. La musique aussi. Pas la fin du monde, d’autant plus que je suis peu à peu tombé dans un état contemplatif, une sorte de transe provoquée par les mouvements de l’eau. Je baignais dans l’atmosphère du moment. Ma copine aussi. Un sourire complice de temps en temps. Une photo à l’occasion. Un bisou volé malgré les efforts du vent pour lutter contre sa condition de chaperon.
Des dauphins timides
On est ainsi partis à la recherche de dauphins. Histoire d’abaisser nos attentes, on nous avait avertis qu’ils pouvaient être timides. Anxieux, on scrutait les eaux du fleuve à la recherche d’indices de leur présence. Le guide savait évidemment mieux que nous comment les repérer. C’est donc lui qui a aperçu le premier spécimen. Je l’ai hélas manqué. Par contre, mes sens étaient alors en éveil maximal. Puis, j’en ai vu un.
Pour être honnête, je n’ai pu admirer l’animal dans toute sa splendeur, je n’ai entrevu que son dos bleu foncé. Mais ça comptait. Par la suite, d’autres ont exécuté des manoeuvres hors de l’eau. Chaque apparition était suivie d’un concert de « oh » et de « ah » impressionnés. Apparitions furtives, toutefois, on avait à peine le temps d’apercevoir les mammifères avant qu’ils ne replongent. Les saisir en photo ou en vidéo s’avéra donc ardu. Malgré tout, j’ai aimé mon expérience. C’était ma première rencontre avec des dauphins.
En outre, le ciel menaçant laissait présager une averse apocalyptique, mais non, pas une seule goutte nous a mouillé le crâne.
On a délaissé la région des dauphins pour se diriger vers la plage aux tortues, un lieu nommé « Braamspunt ». On est arrivés trop tôt, le soleil n’était pas encore couché et les chéloniens ne sortent de la mer qu’à la faveur de l’obscurité. On s’est alors dégourdis les jambes. Une carcasse de tortue luth nous a accueillis. Le vent continuait de souffler sur cette langue sablonneuse dénuée de végétation. Impression de solitude, de désolation.
On a aussi profité de cette attente pour se lancer dans une séance de photos comiques que je ne publierai pas ici. Bon, OK, une. Parce que je vous aime.
Le soleil a fini par disparaître dans l’océan. On a regagné le bateau, puis on a reçu des instructions claires sur la façon d’interagir avec les tortues, afin de ne pas leur nuire: pas de photo avec flash, car le flash peut les rendre aveugles (sauf si l’appareil utilise une lumière infrarouge, lumière qu’elles peuvent supporter); ne pas les approcher de trop près, garder une distance de 2-3 mètres minimum, pour ne pas les stresser; pas de bruit, pas de conversation en leur présence, pour ne pas les effrayer, etc. Pour ces raisons, je n’ai que peu de photos des tortues elles-mêmes. De manière générale, les membres du groupe ont respecté les instructions.
Une fois la nuit tombée, vers 20 h, on a effectué une première ronde. On a fait chou blanc. Pas de tortue. Une promenade sympathique, au moins. On est revenus au bateau vers 21 h 30. Le début d’une attente monotone. Des gardes sont venus s’assurer des motifs de notre présence. Les braconniers seraient plutôt actifs, au Suriname, et ils s’attaquent aux tortues, entre autres. Ça joue dur. C’est pourquoi les gardes sont armés.
Entre-temps, on a mangé une variante de roti, piquant à souhait. J’adore ce type de mets. Ma copine s’est ensuite assoupie. J’étais comateux. Les autres buvaient du rhum et fumaient des cigarettes. Puis, vers 23 h, on a repris la route.
Rencontre du troisième type
Une étrange clarté lunaire, reflétée par le sable pâle, enveloppait les lieux. Ambiance d’un autre monde. On a marché, en silence, et c’est enfin, enfin arrivé: on a aperçu notre première tortue. Une tortue verte. Elle se hissait tant bien que mal hors de l’eau. On devinait que la terre ferme n’était pas son élément naturel. À coup de pattes, elle se frayait un chemin jusque vers un endroit approprié pour la nidification. On la regardait de loin, émerveillé-es. On a ensuite poursuivi notre promenade, non sans avoir admiré les traces laissées par le charmant reptile.
Quelques minutes plus tard, notre guide nous annonçai qu’on avait gagné le gros lot: une tortue luth, la plus grosse tortue au monde, venait d’émerger. Elle rampait lentement, à la recherche d’un site pour nidifier. Bête massive. Ses traces sont presque aussi larges que celles que laisseraient une Honda Civic 1987 modifiée dans un pit de gravelle de Johnville. Après un délai estimé raisonnable par notre guide, on a pu approcher la pondeuse. Il l’éclairait avec une lampe à infrarouge, en évitant de pointer sa tête; on a donc pu l’étudier en pleine action. Ses pattes puissantes déplaçaient de volumineuses mottes de sable afin d’agrandir le nid. Spectacle captivant.
En tout, on a vu six tortues, dont une qui a fui à notre approche. Une fuite digne d’un ralenti dans un film d’action des années 1980. On est si gentils, pourtant. La fatigue avait alors gagné les membres du groupe. On a retraité vers le bateau, vers 1 h 30, on y a pris place et on a filé vers le quai, dans la totale noirceur de la nuit. Le trajet a duré environ 45 minutes, dans une ambiance léthargique. Une fois au quai, ma copine et moi avons salué la bande, puis on a retrouvé notre « lift ».
Retour
On est finalement revenus à notre B & B vers 2 h 15. Comme on devait se lever vers 7 h pour partir au parc nature Brownsberg, on s’est précipités dans notre lit. Aucune insomnie, je le précise. En toute franchise, j’ai aimé cette excursion, ce fut un spectacle exceptionnel, mais avoir su qu’elle se terminerait aussi tard, on n’aurait pas prévu une autre activité si tôt le lendemain matin. Mais ça, c’était notre décision.
Prochaine destination: le parc nature Brownsberg.