Le parc nature Brownsberg, au Suriname (1ere partie)

Le parc nature Brownsberg

Le Suriname compte son lot de parcs nationaux. Situé à environ 130 kilomètres au sud de la capitale, Paramaribo, le parc nature Brownsberg est l’un des plus connus et des plus accessibles du pays. Ma copine et moi avons décidé d’y aller les 27 et 28 avril 2018. On a payé 125 euros (environ 193,30 $ CAN) par personne à l’agence de notre B & B de Paramaribo, Famiri Guesthouse, pour un séjour de deux jours et une nuit. Le prix, le même que celui affiché dans les diverses agences de voyages de la ville pour la même excursion, incluait le transport, les services d’un guide, la nourriture et l’eau, l’hébergement et les frais d’entrée. On devait ensuite se rendre sur l’île d’Isadou, histoire de ne rien faire sans ressentir une seule once de culpabilité.

Départ de Paramaribo

Après une trop courte nuit, en raison de notre excursion de la veille, on s’est réveillés dès 7 h. Vers 8 h, on était prêts. Un taxi nous a amenés au point de rendez-vous, devant un café de la Wilhelminastraat. Personne ne nous attendait. Bon. Ça commençait bien. Je me suis mis à marcher dans les environs, afin de me faire remarquer. Je présumais que Anneke, la propriétaire du Famiri, nous avait décrit à notre guide: un grand blanc aux cheveux longs bruns et « dad bod » avec une petite et jolie femme noire aux cheveux courts. Il ne devait pas y avoir beaucoup de duos comme nous à ce point de rendez-vous, à cette heure-là.

De l’aide d’un concurrent…

Une dame qui travaillait dans une agence de voyages adjacente m’a aperçu et elle m’a demandé si elle pouvait m’aider. Je lui ai expliqué qu’on cherchait un guide, qu’on avait réservé une excursion au Brownsberg auprès du B & B Famiri. Elle est retournée dans son bureau, elle a joué du téléphone et notre guide est enfin arrivé peu après. Ça c’est du service. Il nous a remarqués et il s’est présenté. Justin. J’ai remercié la dame et on a suivi Justin jusqu’à sa voiture.

Au revoir, Paramaribo

On a pris place dans sa fière camionnette et on est partis. On était heureux de quitter Paramaribo, on était venus au Suriname pour prendre un bain de nature. Et là, ça devenait réel. On atteignait le but de notre visite. On était de bonne humeur, malgré la fatigue. On a d’abord vaincu le trafic matinal, puis on a dépassé la région métropolitaine. On a ensuite effectué un arrêt dans un petit café. On y a acheté un peu de nourriture et des cafés, avant de reprendre la route. La pluie s’est mise à tomber. Justin nous racontait l’histoire de la capitale, du pays. Je posais des questions et j’ai ainsi pu en apprendre pas mal sur ces sujets.

Une ancienne usine de transformation de bauxite, autrefois une industrie majeure du pays

À un certain point, des militaires arrêtaient les voitures pour en contrôler les passagers. Quand ils ont constaté que nous n’étions que des touristes (oh le sale mot), ils nous ont laissé partir sans même regarder nos passeports. Selon Justin, ce genre de contrôle est fréquent. Les militaires ont cependant compris qu’embêter les touristes ne peut que nuire à l’économie du pays.

Welcome to the jungle

Après environ quatre heures sur des routes aux conditions extrêmement variables, on est arrivés à l’entrée du parc. Il se trouve à l’extrémité nord du réservoir Brokopondo. Le réservoir a été créé à la suite de la construction du barrage hydroélectrique Afobaka, dans les années 1960 (entre 1961 et 1964, pour être exact), dirigée par l’ingénieur en hydrologie Willem Johan van Blommestein. Le résultat? Un réservoir ayant toutes les apparences d’un vaste lac, avec ses 1560 km2. Il couvre 1 % du territoire du pays et il est l’un des plus grands réservoirs au monde. Plus impressionnant que le lac Boivin, pas de doute là-dessus.

Le réservoir Brokopondo

Le barrage a été construit pour alimenter les usines de transformation de bauxite exploitées par Suralco, la Suriname Aluminium Company. Les travaux ont forcé l’expropriation de nombreux villageois. Ils ont alors recréé leurs villages hors de la zone inondée, souvent avec leurs noms d’origine. Enfin, le parc serait aux prises avec des activités minières illégales; des chercheurs d’or non autorisés viendraient y tenter leur chance. Et quelque chose me dit qu’il est préférable de les éviter, car ils ne doivent pas faire dans la dentelle en cas de rencontres impromptues…

Kadju, l’un des villages déplacés par la construction du barrage

Le campement se trouve au sommet d’une colline d’environ 500 mètres de haut. Le terrain possède peu de bâtiments: le guichet d’entrée, un restaurant, des toilettes et des douches, quelques maisons (pour des employé-es?), des installations pour les visiteurs. Un ensemble plutôt rustique. Mieux que du camping sauvage, mais huit coches sous le glamping. Autrement dit: si vous espérez un confort douillet, vous serez déçu-es. À noter que le parc ne recevrait qu’environ 20 000 visiteurs par année. Dernier détail: il ne faut pas confondre le parc nature Brownsberg avec le village nommé Brownsweg. Pas le même lieu, même s’ils sont voisins…

Confort rustique

Et bien sûr, la jungle. Humide. Dense. Un labyrinthe végétal. Des sentiers traversent le parc, oui, mais il est facile de se perdre si l’on sort des chemins balisés. Et sans les connaissances appropriées, s’égarer dans la jungle peut devenir dangereux, et vite. Je recommande donc l’embauche d’un guide. Justin nous a toutefois affirmé qu’il était possible de visiter le parc de manière autonome: à pied, à vélo, à moto, en voiture. Il a croisé de ces motivés. Personnellement, cette perspective ne m’intéressait pas du tout. Je suis un citadin. Certes, mes racines plongent dans la terre lennoxvilloise, mais l’époque où j’étais capable de me guider seul dans une forêt de 100 acres pour retrouver mon père bûcheron en pleine action est bel et bien révolue. J’avais alors 5 ou 6 ans. Ce que j’en ai perdu, avec le temps.

La chute Leo

Justin a réglé les formalités d’entrée au parc. On a par la suite déposé nos sacs dans le bâtiment qu’on nous a assigné (son nom: « Baboen ») et, avec Justin en tête, on a amorcé une promenade vers une chute nommée Leo (« Leoval »). La pluie avait auparavant lessivé le secteur, de sorte que de larges flaques d’eau boueuse rognaient les sentiers. La boue présentait une couleur rougeâtre, en raison de la composition du sol. La bauxite.

Rouge bauxite

Le parc compterait plus de 1450 espèces de plantes et 350 espèces d’oiseaux. Biodiversité, dites-vous? On a sans surprise vu de nombreux animaux, surtout des oiseaux, des grenouilles (venimeuses) et des singes. Les singes ont comblé de joie l’amoureux des primates en moi. Ils ne sont pas faciles à filmer ou photographier, par contre.

Justin nous pointait les animaux que l’on ne pouvait discerner dans la végétation, il nous les décrivait avec moults détails, pendant que la jungle nous enveloppait d’un agréable manteau de fraîcheur. Mais l’humidité, elle… implacable.

Vlimeuse grenouille venimeuse

On est arrivés à la chute après un bon 48 minutes de marche. J’avais eu le temps d’éliminer 1,36 litre d’eau par mes pores. Ma chevelure en avait absorbé une partie. J’étais aussi répugnant qu’une des légendaires serviettes que Dusty Rhodes insérait dans son maillot. Je me suis donc baigné. La chute fait plusieurs mètres de haut, avec un débit assez puissant et une eau fraîche comme du Aqua Velva bleu. Toute ma sueur est alors disparue, même si je savais qu’elle reviendrait sitôt que je me remettrais mes vêtements. Ma prophétie s’est avérée juste.

Par ailleurs, Justin s’est gracieusement adapté à notre rythme. Le sentier devenait abrupt, selon la section, avec de gros rochers et de massives racines. Ma copine est plus petite que moi, alors pour elle, l’écart entre les « marches » était parfois pénible à franchir. Justin nous a suggéré un détour vers une deuxième chute, par un sentier encore plus ardu, de son propre aveu, mais on a décliné sa proposition. On est par conséquent rentrés, non sans avoir aperçu une véritable « batcave ». Justin nous a aussi parlé des « arbres-téléphones », ces arbres qui servaient d’outils de communication entre les habitant-es de la jungle, en raison de la forte amplification naturelle des sons quand on frappe sur leur tronc.

La vraie « batcave »

Un retour périlleux

De retour au camp, ma copine s’est reposée dans un hamac. Justin m’a alors proposé d’explorer un autre sentier. J’ai accepté. Le temps se voulait plus menaçant, les nuages avaient recouvert la colline. En marchant, je me demandais si j’avais pris une bonne décision. On a longé une maison sortie tout droit du plus terrifiant film d’horreur des années 1980. Avec le brouillard, on pouvait s’attendre à voir Jason Voorhees sortir de nulle part, la machette prête à trancher toute excroissance.

La maison de Jason Voorhees

On s’est rendus à un belvédère appelé Mazaroni d’où, quand les nuages se tassaient, l’on pouvait apercevoir le réservoir Brokopondo. Majestueux. On y est restés quelques minutes, le temps que Justin s’occupe de ses communications, et, voyant que le soleil commençait à décliner, on a rebroussé chemin.

Le réservoir Brokopondo depuis le belvédère Mazaroni

Puis, un serpent. Enroulé sur lui-même, tranquille. Justin ne l’avait pas remarqué, car il était occupé à texter quelqu’un. Je savais que je devais lui parler, à défaut de savoir comment réagir de la bonne façon en pareilles circonstances. J’étais calme. J’ai lancé un subtil « Justin, there is a snake »… et là, il a levé la tête, sans paniquer. L’expérience.

– « Where? »
– « Behind your right foot. »

Le serpent venimeux

Il a pivoté la tête vers son pied droit. Il a saisi sa machette. Il s’est approché de la bête, avec la lenteur d’un jaguar en mode chasseur, il a glissé la lame sous le reptile et, d’un mouvement sec, il l’a expédié dans la jungle. Geste éthique? Discutable, peut-être. Le protocole habituel, j’imagine. On est revenus au camp, après avoir croisé un mignon agouti doré. J’ai raconté notre épopée à ma copine. Je me suis donné le beau rôle, afin de passer pour un héros. On a ensuite été au restaurant pour s’accorder un moment de détente. Je ne savais pas à ce moment-là que le fan de lutte professionnelle en moi allait vivre un brutal choc culturel.

Mignon agouti doré

La suite de ce billet sera publiée sous peu.

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