Ce mois de juillet marque le 20e anniversaire de mon premier voyage outremer, que je considère comme mon premier vrai voyage. J’ai oublié les dates exactes, mais c’était quelque chose comme du 2 juillet au 6 août 1998. J’avais alors été à Berlin, dans le cadre d’un Chantier jeunesse. Je devais passer trois semaines à rénover une maison de jeunes dans le quartier Weißensee. Je m’étais rajouté plus d’une semaine (8 jours? 9 jours? Je ne m’en souviens plus) pour effectuer un crochet en Belgique, en France et en Suisse. J’étais excité comme un puceau… ce que j’étais, dans un sens métaphorique.
La vraie première fois
Je ne connaissais donc rien ou presque des voyages avec sac à dos. Oh, je m’étais auparavant promené au Québec – en famille et en stop avec une ex-copine – et un peu dans le nord-est des États-Unis (en famille), mais pour l’essentiel, je n’avais pas d’expérience. Mais j’en rêvais. De plus, j’étais inspiré par mon oncle Gilbert, véritable et vénérable globe-trotteur, talentueux conteur et plume bigrement divertissante. Les cartes postales qu’il envoyait à notre famille depuis d’improbables endroits – je n’avais jamais entendu parler de la Birmanie, dans les années 1980 – étaient de véritables bijoux d’humour – et de magie. Je voulais voyager loin un jour, moi aussi.
Afin de développer un minimum de compétences nécessaires pour réaliser mon rêve, je me consacrais à des activités pertinentes. Ainsi, lors de mes études collégiales, j’ai étudié en Langues modernes: anglais avancé, espagnol et allemand. Une solide base linguistique. Je donnais aussi de mon temps au Bureau Voyage du Cégep de Sherbrooke. À vrai dire, les foules n’accourraient pas au bureau, alors j’en profitais pour lire tout ce qui me tombait sous la main. J’ai ainsi beaucoup appris sur les voyages à cette époque. Sur la théorie, du moins. Internet existait, oui, mais il était alors loin d’être un outil populaire auprès du grand public. C’était un truc encore mystérieux, réservé à une poignée de geeks qui fréquentaient des forums de discussions louches (ou chelous, pour mes ami-es français-es). En plus, les imprimantes utilisaient toujours du répugnant papier avec lignes vertes au verso. Bref, à l’époque, les brochures, magazines et autres constituaient encore les meilleures sources d’informations sur les voyages.
Puis, un jour, lors d’une de mes séances de bénévolat, j’avais remarqué une publicité de l’organisme à but non lucratif Chantiers jeunesse. Un chantier jeunesse consiste en une expérience de travail volontaire de deux à quatre semaines pour de jeunes Québécois-es et Canadien-nes, âgé-es entre 15 et 30 ans, dans l’un des 35 pays (surtout en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Asie) couverts par l’organisme. Presque la totalité des frais incombaient aux participant-es, mais la possibilité de côtoyer une douzaine d’autres jeunes de divers pays dans un projet commun possédait tout de même un côté séduisant.
J’ai donc postulé pour un Chantier jeunesse et, ô miracle, j’ai été choisi. À ce moment-là, je savais seulement que j’avais été retenu pour un chantier en Allemagne. J’ai ensuite été à une rencontre au Stade olympique de Montréal, dans les bureaux de l’organisme. Les participant-es y ont alors reçu tous les renseignements dont ils avaient besoin en vue de leur projet respectif. Au terme du processus, j’ai décidé d’aller à Berlin, après m’être rappelé les sages suggestions de Gilbert. J’allais donc rénover une maison de jeunes dans Weisensee, un quartier dans l’est de la ville.
La découverte de la logistique
Une fois la destination précisée, je devais soigner la logistique. Là encore, Internet ne fut pas d’un grand secours. J’ai plutôt usé le téléphone de mes parents – un bon vieil appareil à roulette – pour m’occuper de chaque aspect: billet d’avion (l’un des participants travaillait pour une agence de voyages, alors je l’ai chargé de réserver mes billets), hébergement (auberges de jeunesse à Bruxelles, Strasbourg et Zurich), billets de train, assurances, etc. Aujourd’hui, tout ça pourrait se régler en quelques dizaines de minutes à peine, mais à l’époque, j’avais consacré un certain temps à débusquer les informations et organiser mon périple. Les guides de voyages de la bibliothèque m’avaient grandement aidé. J’avais photocopié les sections que j’avais jugé importantes. Le papier, y a que ça de vrai. Même s’il prend de la place dans les bagages.
Amasser des fonds, parce que les rêves ne sont pas gratis
J’avais en outre organisé de nombreuses activités de financement, en vue de ce projet. Une soirée dada mémorable dans un bar sherbrookois aujourd’hui disparu. Un spectacle de musique avec des amis musiciens au défunt Café Campus de Sherbrooke. Un lave-auto au coin des rues King et Jacques-Cartier, toujours à Sherbrooke. J’ai même vendu des « kilomètres »: pour 1 $, quelqu’un pouvait acheter un kilomètre d’une échelle graduée sur une carte du monde photocopiée; l’échelle représentait la distance séparant Sherbrooke et Berlin. J’en vendais à tout le monde, mais surtout à d’autres élèves. Les gens trouvaient mon idée comique, alors j’ai glané plusieurs centaines de dollars de cette façon. Au final, j’ai obtenu le budget que je visais. Je l’avais mérité.
Une catastrophe évitée de justesse
Mais… une semaine avant le départ, sur un coup de tête, j’avais effectué une virée en stop au Saguenay–Lac-Saint-Jean avec mon ami Antoine. Un apéro, en quelque sorte. Or j’avais failli perdre définitivement mon portefeuille (et mes principales cartes) lors d’une mémorable soirée à Chicoutimi; l’inexpérience à son meilleur. Heureusement, j’ai retrouvé les précieux documents grâce à un bienveillant chauffeur de taxi. Je l’avais échappé belle. Mais déjà, j’ai eu un avant-goût des mésaventures propres aux voyages. Et Jojo Savard sait que, par la suite, j’en connaîtrai des vertes et des pas mûres.
Un petit départ pour une grande planète
Les heures précédant mon départ, je polissais les derniers détails. J’ai préparé mes bagages. J’en avais vraiment trop, mais ça, je ne le réalisais pas encore. L’enthousiasme du novice. Enfin, le jour J. J’étais ultrafébrile lorsque vint le moment de me pointer à l’aéroport pour la première fois. Le plan: départ de Montréal et arrivée à Bruxelles, puis départ de Francfort et retour à Montréal. Pour 800 $ CAN. En 1998. Ça me semble cher, aujourd’hui. Qu’importe. C’était maintenant vrai. Ma « carrière » de voyageur allait enfin commencer.
*Dans les prochaines semaines je vais publier des billets sur ce Chantier jeunesse, de même sur d’autres voyages pré-La page à Pageau, sur des leçons apprises au cours des 20 dernières années, etc. Bref, ce sera varié, mais toujours divertissant. Le rythme de publication dépendra de mon inspiration.
**Je n’ai que très peu de photos numérisées de cette époque. J’utiliserai donc les photos que j’ai sous la main pour illustrer mes prochains billets.
Ah Les Chantiers jeunesse… l’une de mes premières rencontres avec l’étranger, même si pour ma part j’étais dans ma région et j’allais à 12-13 ans aidé les jeunes européens qui réparaient le puits ou le lavoir de la ville! Après, j’ai voulu en faire aussi, mais au final je me suis décidée pour un stage de karaté en Auvergne :) On ne peut pas tout faire!
En effet, on ne peut tout faire, mais tu as tout de même pu côtoyer des groupes de jeunes des Chantiers… c’est mieux que de les utiliser comme « punching bags »… ha ha!
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