Une fois mon Chantier jeunesse à Berlin terminé, je m’étais gardé environ une semaine pour aller en Suisse, avant de revenir à Francfort pour mon vol de retour. Eh oui, mon inexpérience m’a poussé à aller en Suisse avec un budget ridiculement bas… une destination pourtant dispendieuse, en Europe. Super idée. J’avais tout de même réussi à réserver un lit dans une auberge de jeunesse pas trop chère (membre du réseau Hostelling International; j’avais adhéré à la fédération, alors aussi bien en profiter) et, comme principale activité, je me disais que je marcherais beaucoup. En outre, j’avais une réserve d’argent dans mon compte bancaire. Du moins, je le croyais.
Des adieux… définitifs.
Lors d’une soirée d’adieu bien arrosée, j’ai salué les autres participant-es du chantier, à divers degrés d’enthousiasme. Fuck you, Tobias. J’ai aussi échangé mes coordonnées avec plusieurs personnes, dont Barbara. On s’est par la suite écrit de vraies lettres pendant des années. Autant j’apprécie les réseaux sociaux pour leur instantanéité, autant je m’ennuie de rédiger une lettre sur une feuille, la main tachée par l’encre d’un stylo de mauvaise qualité. En outre, quand je fréquentais l’école primaire, j’étais membre de International Youth Service, un service qui permettait de trouver des correspondant-es partout sur la planète. J’ai ainsi échangé – en français et en anglais – avec des personnes de Madagascar (une fille de Fianarantsoa), de la Grèce, d’Espagne, des États-Unis, d’Allemagne… j’ai gardé toutes ces lettres. Je les avais récupérées lors d’un de mes innombrables déménagements. Aujourd’hui, elles gagnent en valeur dans mon unité d’entrepôt. Détail intéressant: le service IYS a existé de 1952 à 2008. Comme quoi le courriel a asséné un puissant coup à la bonne vieille écriture manuelle…
Pavla et moi devions partir tôt le lendemain de cette ultime soirée, histoire d’aller prendre des trains vers nos destinations respectives: Brno en République tchèque pour elle, Zurich pour moi. On a donc quitté le Kinder und Jugendkulturzentrum Maxim ensemble pour se rendre à la gare. Pavla était mon « crush » du chantier. C’était ma dernière chance de tenter une approche… ce que j’aurais dû faire durant le projet, mais bon, j’avais été trop timide.
Mais non. Je n’ai pas embrassé Pavla. J’aurais dû. On s’est dit « au revoir » et elle a pris le chemin vers sa vie. Je ne l’ai jamais revue et mes tentatives de lui écrire des lettres sont restées… bien… lettre morte.
Suisse alors!
Je suis donc arrivé à Zurich, le samedi 1er août, après quelques heures de train passées à cuver mon vin. J’étais heureux de débarquer en Suisse. J’éprouvais un intérêt envers le pays, même si je n’avais jamais vraiment compris pourquoi. J’ai trouvé mon auberge sans trop de difficulté, après un tour en tramway (ou un bus de ville… je ne sais plus). J’ai réalisé que l’on célébrait le soir même la Fête nationale suisse. Bruits de feux d’artifices jusque tard en soirée. Trop claqué pour aller festoyer.
Après une nuit de repos, j’ai marché dans Zurich. Charmante ville. Le lac venait chatouiller le centre historique. J’ai essayé de découvrir le site du fameux Cabaret Voltaire. J’avais jadis lu sur le mouvement Dada, alors j’étais curieux de visiter l’endroit où toute cette folie s’est déchaînée. Or j’ai failli à ma mission. Soit l’endroit avait disparu, soit j’étais nul dans ma méthode de recherche. Je penche pour la dernière option.
J’ai cependant déniché un disquaire, par hasard (je ne me souviens plus de son emplacement); je suis comme un cochon, sauf qu’au lieu de traquer les truffes, je débusque les disquaires. J’y ai acheté Obsolete, le tout nouvel album de Fear Factory (paru le 28 juillet 1998), un groupe que j’aimais beaucoup. J’ai hésité entre cette oeuvre et Vovin de Therion (paru le 4 mai 1998). Je n’ai pas perdu cette habitude; j’achète toujours des disques en voyage, si possible d’artistes métal locaux.
Situation de crise
Puis, en allant retirer des fonds à un guichet quelconque, afin de survivre dans un pays au coût de la vie aussi élevé, j’ai réalisé que je ne pouvais accéder à mon argent. Je ne comprenais pas pourquoi, j’avais pris soin d’en déposer avant mon départ précisément pour cette portion du voyage. Or je ne pouvais attendre comme ça, sans liquidités. Je ne voulais pas quêter, je ne me sentais pas à l’aise de faire ça. Surtout que je l’avais, cet argent. J’ai réussi à parler à ma mère, qui m’a promis d’aller vérifier la source du problème à la banque dès que possible. Mais ça ne m’aidait pas dans l’immédiat. Après d’intenses réflexions, j’en suis venu à la conclusion qui m’apparaissait la plus logique: je devais retourner à Berlin et retrouver Frank (mon meilleur ami parmi les superviseurs berlinois du chantier), sans savoir où il était. Un coup de dé dans une ville de quelques millions d’habitants.
Prochaine destination: Berlin. Encore.
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