14 ans et de plus en plus déconnecté

Caracas, octobre 2007. J’étais encore un jeune voyageur semi-naïf.

Mon blogue a maintenant 14 ans. C’est difficile à croire, quand j’y pense. Et pourtant. Il est toujours là. Au ralenti, certes, mais vivant. 14 ans, donc. Ce blogue est mon plus long projet ;a vie. Plus long que mes études post-secondaires. Et j’ai tout de même étudié pendant un sacré moment. Même si mon blogue est au ralenti, j’ai l’intention de continuer à le tenir. Je retournerai sur la route un de ces quatre et j’aurai alors de nouvelles histoires à partager.

En pause

En cette période d’incertitude, je n’ai pas écrit, car je n’ai pas voyagé. En fait, j’avais un voyage prévu en Afrique du Sud/Lesotho/eSwatini en septembre 2020, mais il a été annulé par la compagnie aérienne. Et, par la suite, vu l’instabilité de la situation mondiale, je me suis douté que ce serait plus difficile de voyager (pendant un certain temps, du moins). Je me suis donc donné comme défi de ne pas écrire sur mon blogue pendant un an, pour voir comment je me sentirais. Eh bien, ça m’a manqué. Mais je n’avais rien de valable à raconter. Jusqu’à maintenant.

Place du Régistan, à Samarcande (octobre 2016). Un des lieux qui m’a le plus marqué.

Distillations

Durant cette pause, j’ai réfléchi à beaucoup de choses liées aux voyages (entre autres). J’en suis arrivé à quelques constats. L’un d’eux est que je n’ai pas envie d’être un « expert du voyage ». L’expertise signifie que l’on fait une même chose assez souvent pour la maîtriser. Je ne veux pas maîtriser le voyage, je veux qu’il me déroute, qu’il me force à m’adapter, à développer de nouvelles compétences, pas me conforter dans ce que je connais déjà de moi. 

Coucher de soleil sur le Malecón de La Havane (juin 2017). Un de mes couchers de soleil préférés.

Par ailleurs, c’est étrange, j’ai l’impression que je n’ai plus grand chose à apprendre des autres voyageuses et voyageurs, à part des informations pratico-pratiques du genre « le trajet en bus entre les villes X et Y dure cinq heures ». Les philosophies de voyage pseudo-spirituelles et autres vérités transcendantes – de médiocres lapalissades, en général – déclamées par des quidams prétentieux avec un manbun et des pantalons mous trop grands m’emmerdent comme jamais. Si j’avais eu un dollar chaque fois que j’ai rencontré un tel individu, je serais riche aujourd’hui. J’exagère à peine.

Un de mes paysages préférés. Hierve el Agua, au Mexique (mars 2015)

Même les discussions « typiques » avec d’autres voyageuses et voyageurs ne m’enchantent plus. Encore moins lorsqu’un mec que je viens à peine de rencontrer commence à me parler de ses prétendus « exploits » sexuels. Ça m’arrive régulièrement. Hélas. Je m’en fous tellement. Je ne sais pas pourquoi j’attire cette racaille. 

Plage de l’île de Mana, aux îles Fijdi. L’autre bout du monde (novembre 2011)

Je ne tiens donc plus à rencontrer d’autres voyageuses et voyageurs à tout prix. Je suis saturé de certaines conversations, de certains types de voyageuses et de voyageurs. Je caricature, évidemment, mais le constat reste le même: je n’ai plus envie de connaître les personnes qui essaient de m’impressionner. Je les trouve tellement vides. Tellement superficielles.

Istanbul, une de mes villes préférées (juin 2010)

Je pourrais aussi discourir sur le fait que bien des gens ne semblent voyager que pour obtenir leur dose de validation sur les réseaux sociaux, en se vautrant dans une célébration décomplexée de leurs stéréotypes ethnoculturels, mais je pense que ce point a été abondamment raconté ici et là, déjà.

Des « murgas », lors d’une manifestation contre la violence faite aux femmes, à Mendoza (Argentine). Mendoza, surprenant coup de coeur dans un pays coup de coeur (décembre 2015)

Enfin, au risque de passer pour un vieux con nostalgique du « bon vieux temps » (OK, je le suis, je l’admets), je pense que l’époque pré-téléphone intelligent, pré-réseaux sociaux sollicitait davantage la débrouillardise des routard-e-s. Le plongeon vers l’inconnu était plus total, parce que inévitable. Bien que j’apprécie nombre de caractéristiques des technologies actuelles, je ne peux m’empêcher de chérir plusieurs aspects de l’époque pré-. Fuck les selfie sticks

Et les blogues, eux?

Quant aux blogues… je l’ai déjà mentionné ici-même, mais je m’ennuie de la candeur des premiers blogues, quand créer relevait davantage du plaisir que du travail. Aujourd’hui, tout passe par le filtre professionnel. Je sais, les choses changent, rien ne reste statique, mais je crois vraiment que quelque chose d’intéressant s’est perdu dans l’évolution de la blogosphère. Une certaine créativité, une certaine audace. La professionnalisation des blogues a standardisé ceux-ci, pour le meilleur (par exemple, une meilleure qualité dans la présentation des contenus) et pour le pire (par exemple, la « vedettarisation » des blogueuses et blogueurs; comme si la personne était plus importante que la destination).

Songkran, à Chiang Mai, en Thaïlande. Une de mes expériences préférées (avril 2012)

Et, en toute franchise, je ne sais plus si les blogues sont réellement pertinents, aujourd’hui. Pour divertir, oui. Mais pour informer? Beaucoup moins. Les réseaux sociaux constituent de bien meilleures sources d’informations. 

Au final

Plage d’Ipanema, à Rio. Le Brésil, mon plus récent voyage (septembre 2019)

Bref, parfois, je ne me sens plus autant relié à la communauté du voyage que par le passé. À vrai dire, je me sens de plus en plus déconnecté de cette communauté qui, autrefois, me faisait tellement vibrer. Mais ça, ça m’appartient. Je vais quand même continuer de voyager. Parce que j’aime ça, malgré tout. Je réalise toutefois que je suis entré dans une nouvelle phase de ma vie de voyageur. Une phase plus introspective. Très hâte de voir où elle me mènera.