Ciudad del Este, ville de contrastes

Le Lago de la República, le coeur de la ville.

La deuxième étape de mon voyage au Paraguay fut Ciudad del Este, la deuxième plus grande ville du pays, après Asunción, avec une population d’environ 310 000 habitants en 2022 (près de 600 000 dans sa région métropolitaine). Ciudad del Este s’étend le long du fleuve Paraná et elle est surtout connue pour son emplacement à la jonction du Paraguay, du Brésil et de l’Argentine (la « Triple Frontera ») et sa Zona franca (zone franche), qui serait l’une des plus importantes du genre au monde.

Quelques notes sur Ciudad del Este

J’ai passé quatre jours à Ciudad del Este, ce qui a surpris Rodrigo, le propriétaire de mon auberge, car il semblerait que la majorité des voyageurs n’y reste qu’une journée ou deux. Je pense que ça vaut la peine d’y rester au moins deux jours: une pour la ville elle-même et une pour certaines attractions dans sa région. Je reviendrai sur ces attractions dans un prochain billet.

Quartier résidentiel bien tranquille de Ciudad del Este.

La ville n’est séparée du Brésil – et de la ville de Foz do Iguaçu – que par le fleuve; un pont – le Puente Internacional de la Amistad (Pont de l’Amitié Internationale) – relie les deux villes. Il est très achalandé, tant par les camions de livraison que par les voitures que par les piétons. De chaque côté de la frontière, les secteurs autour du pont débordent d’activité.

Ciudad del Este, vue depuis le Brésil.

La ville n’existe que depuis 70 ans, environ, ce qui m’a étonné: elle n’a été fondée que le 3 févrirer 1957. Elle s’appelait alors Puerto Flor do Lis, puis Puerto Presidente Stroessner, jusqu’en 1989. Le commerce – licite ou illicite – a visiblement contribué au développement rapide de la ville.

L’intense Zona franca.

Par conséquent, le nombre de bureaux de change, dans la zone franche, est stupéfiant. Lors de mon passage, les taux se ressemblaient d’un bureau à l’autre, alors je ne crois pas qu’il soit nécessaire de consacrer de longues heures à magasiner pour le meilleur taux, si vous souhaitez obtenir de l’argent comptant.

Millionaire pour quelques jours…

Malgré la présence du fleuve, Ciudad del Este n’est pas touchée par les inondations, car elle est surélevée, par rapport à celui-ci. Je mentionne ce détail, puisque, au moment de mon voyage, de sévères inondations touchaient plusieurs régions du sud du Brésil.

Le fleuve Paraná.

On m’a averti que, selon la saison, la température peut devenir très chaude et très humide, soit au-dessus de 40°C.

La Zona franca, une zone franchement louche

Ainsi, l’est de la ville est une Zona franca, c’est-à-dire une zone fiscalement favorable au commerce, au moyen d’incitatifs divers dont je ne saurais expliquer les nuances dans un si court billet. La zone, qui s’étire de parts et d’autres de la Ruta PY02 (qui se prolonge vers le Brésil), dégage une intensité démesurée par rapport à l’ambiance plus tranquille du reste de la ville. Je ne m’y suis pas promené en soirée, mais, durant ma promenade diurne, j’ai eu l’impression que ce devait être un lieu glauque, une fois la nuit tombée. Je ne sais pas à quel point il est alors sécuritaire, alors je me renseignerais auprès de locaux avant de m’y aventurer.

Édifices de la zone franche.

De nombreux édifices comptent plusieurs étages et on peut se demander ce que recèlent tous ces étages: des bureaux d’entreprise (légales et illégales)? Des appartements? Des hôtels? Des Airbnb? Des casinos? Des bars? Un peu de tout ça, j’imagine. Quoi qu’il en soit, j’ai été surpris de voir autant d’édifices aussi massifs à l’intérieur d’une superficie aussi restreinte, dans une ville qui n’a pourtant pas la stature d’une capitale.

Qu’est-ce qui se cache dans tous ces édifices?

Apparemment, la contrebande, le trafic de cocaïne et le blanchiment d’argent sont des activités importantes dans la zone. Ce n’est pas surprenant, avec un pays aussi énorme que le Brésil juste à côté: il représente un immense marché lucratif pour toutes sortes de marchandises, sans égard à leur degré de légalité. Ça signifie aussi que, si vous achetez des trucs là-bas, vous devriez douter de l’authenticité des marques.

Une mixité inattendue

Ciudad del Este possède un caractère international insoupçonné. Certes, je me doutais qu’on y rencontre quantité de Brésilien-ne-s, vu la proximité avec la frontière, mais la ville compte aussi des communautés japonaise, sud-coréenne, taïwanaise, libanaise, syrienne, etc. Je suppose que la zone franche attire des gens d’affaires opportunistes, indépendamment de leur origine. On m’a aussi mentionné que ce n’était pas cher pour les Brésilien-ne-s de venir étudier au Paraguay.

Une affiche avec des traductions en japonais.

Par ailleurs, Colonia Yguazú est une communauté de paysans japonais située à environ 40 kilomètres à l’ouest de Ciudad del Este. On m’a dit que ce n’était pas vraiment une ville, mais plus un secteur agricole, alors je ne sais pas à quel point une visite là-bas est intéressante. J’ai lu qu’on y pratiquait la pêche sportive et qu’il y a une exposition annuelle (agricole, j’imagine), alors qui sait, peut-être qu’une visite vaut le détour, finalement.

Un mot sur la dictature 

La dictature d’Alfredo Stroessner n’est pas un sujet tabou, selon Rodrigo. C’est bon à savoir, mais je ne me verrais tout de même pas aborder quelqu’un là-bas en lui demandant: « Pis, la dictature? »

Activités et attractions

Que fait-on, à Ciudad del Este? J’admets que ce n’est pas la ville la plus excitante du continent, en termes d’offre touristique, mais il y a de moyen de s’occuper pendant quelques heures. Je dirais que Ciudad del Este est un arrêt approprié pour les gens qui veulent se poser quelques jours pour relaxer et profiter d’une vie plus « normale ».

Le Lago de la República.

Le Lago de la República constitue le coeur de la ville, c’est comme la version paraguayenne du Lac des Nations (mes ami-e-s de Sherbrooke saisiront cette référence). C’est un joli lac urbain, entouré d’un parc. Un sentier en fait le tour et il est fréquenté par les marcheurs, cyclistes, coureurs et couples.

Le sentier autour du lac.

Par contre, je ne me baignerais pas dedans, il semble y avoir… du danger.

Le danger.

La zone franche mérite une visite, ne serait-ce que pour expérimenter un chaos mémorable. C’est un joyeux bordel et si vous voulez acheter des trucs, sans vous soucier de leur authenticité, c’est un endroit idéal.

Un trottoir enavhi par les commerçants, dans la zone franche.

On peut aller au Brésil, à pied, depuis Ciudad del Este; le Brésil n’exige pas de visa pour les séjours de moins de 24 h pour les citoyen-ne-s de plusieurs pays, dont le Canada. C’est une façon de mousser le tourisme aux chutes d’Iguazú, qui se situent près du Paraguay. J’en reparlerai dans un prochain billet.

Ciudad del Este, depuis le Brésil (bis).

La Catedral San Blás est sans doute la plus petite cathédrale que j’ai vu de ma vie. J’ai visité des églises montréalaises beaucoup plus grandes que ça.

La Catedral San Blás.

La Mesquite del Este (ou Mesquite Alkhaulafa Al-Rashdeen) dessert notamment les communautés syrienne et libanaise. Je trouve intéressant de voir des lieux de culte non catholiques dans des pays latino-américains, considérant l’omniprésence du catholicisme dans cette région du monde. Le Suriname est exemplaire à ce chapitre, aussi.

La Mesquite del Este.

Par ailleurs, j’ai noté la présence d’au moins un pub anglais…

Le pub anglais.

ET d’un pub irlandais.

Le pub irlandais.

Ciudad del Este est donc une vraie de vraie ville. En plus, elle a la chance d’avoir une considérable population de chats.

Il y a beaucoup de chats, ici.

La Plaza de las Residentas est un parc de quartier assez ordinaire, un peu creepy même, mais j’y ai vu un chat, alors j’étais satisfait de ma visite.

Miaou!

Un marché public se trouve tout près du terminus interurbain; par contre, il semblait davantage conçu pour répondre aux besoins des résident-e-s que ceux des touristes. Ses heures d’ouverture semblaient… confuses. Ou c’est peut-être juste moi qui n’a rien compris à celles-ci.

Pas le marché public le plus invitant…

J’ai testé les restaurants suivants: Yo Amo Pizza, Big Pastell et Frankonia. J’ai aussi mangé un délicieux morceau de gâteau à la pâtisserie Tortas de la Casa. Tous ces commerces se trouvent sur la même rue que mon auberge, soit l’Avenida Rogelio Benitez.

Pour la pizza et les enfants qui crient.

La ville compte un musée historique, le Museo de Historia EL MENSÚ, mais je ne l’ai pas visité, par manque de temps.

Allo!

Ce n’est pas une attraction, mais si jamais vous avez besoin de faire laver vos vêtements, la laverie Yameli peut s’en occuper, en une journée, si vous passez tôt le matin.

Transports

Mon bus depuis Asunción – soit une distance de 327 kilomètres – a mis environ sept heures (11 h 20 – 18 h 15), au lieu des 5 h 20 prévues, en raison des nombreux arrêts en chemin. Mon billet m’a coûté 110 000 PYG (environ 20,04 $CAN). Le bus s’est arrêté au terminus interurbain; je mentionne ce détail, car Ciudad del Este compte un terminus interurbain et au moins un terminus urbain.

Le terminus interurbain de Ciudad del Este, près du quartier Boquerón.

Le terminus interurbain sert aussi de station de taxis. Ils attendent en file devant l’édifice, alors c’est facile d’en trouver un. Les prix vers diverses destinations sont inscrits sur un panneau à l’intérieur du terminus, une attention appréciée.

Prix des courses vers plusieurs destinations de la région.

J’ai d’ailleurs utilisé des taxis à de nombreuses reprises. Selon mon expérience, les chauffeurs sont honnêtes; le prix déterminé avant la course est le prix payé à la fin de celle-ci. Et certains chauffeurs aiment partager des informations sur la ville et ses alentours. C’est à mon avis la façon la plus simple de se déplacer dans la région. Il y a bien sûr des bus, mais, à moins de connaître précisément les trajets et les horaires, il peut être compliqué de n’utiliser que ceux-ci.

Hébergement

J’ai dormi à l’auberge Teko Arte Hostel & Bar, dans le quartier Boquerón. J’ai payé 60,32 $ CAN pour quatre nuits en dortoir de quatre lits, salle de bain incluse, sans déjeuner. L’auberge est plaisante, c’est une maison de deux étages qui a été transformée en auberge. Rodrigo, son propriétaire, y habite. J’ai choisi cette auberge entre autres parce qu’elle avait une cuisine et que je pourrais y préparer une poutine. Cependant, mon dortoir était quelconque.

La section cuisine.

La meilleure partie de l’établissement est la section de la piscine et du bar. Hélas, le bar était fermé lors de mon passage, sans doute en raison du peu d’achalandage, mais en haute saison, la section doit être fort agréable.

La piscine et, à l’arrière-plan, le bar.

La cuisine, maintenant. Rudimentaire, mais on peut y concocter une poutine. J’ai trouvé les ingrédients nécessaires – sauf la sauce, que j’avais apportée dans mes bagages – dans une succursale de la chaîne d’épicerie Biggie. Aussi, des bouilloires sont à la disposition des invité-e-s. Je m’en suis servi abondamment pour boire du maté.

Ma poutine au Paraguay.

J’y ai croisé deux chats et un chien, mais il semblerait toutefois que, au total, cinq chats habitent ici. À la seconde où j’ai mis le pied dans l’auberge, cette chatte – nommée Zita – m’a accueilli.

L’irrésistible Zita.

Ce que j’ai moins aimé de l’auberge, c’est que les casiers individuels se trouvent dans le salon. Pas commode quand on oublie un truc dans son sac avant de se coucher, quand on est dans un dortoir.

Le salon.

Aussi, il faut demander au personnel d’ouvrir la porte d’entrée chaque fois que l’on veut sortir et c’est un peu gossant, à la longue. Rodrigo n’aime pas quand les invité-e-s manipulent eux-mêmes la porte, car elle doit être fermée d’une façon précise pour bien s’enclencher. Je comprends ce désir de sécurité, mais n’empêche… J’ai tout de même aimé mon séjour à cette auberge, d’autant plus qu’elle était bien située. Et Rodrigo est sympathique.

Prochain billet: 5 minutes au Brésil.