Excursion dans la région d’Encarnación: à la découverte des ruines jésuites

L’église de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Mon objectif premier en venant au Paraguay était d’en apprendre plus sur la culture du maté et de visiter les ruines de monastères jésuites dans la région d’Encarnación. Ainsi, une fois dans la ville, j’ai voulu mettre mon plan à exécution. J’ai donc demandé au réceptionniste de mon hôtel quelle était la façon la plus simple d’y parvenir. Il m’a suggéré de louer les services d’un chauffeur de taxi pour la journée.

Des options en matière de transport

Les avantages du chauffeur sont la flexibilité, l’efficacité et la possibilité d’apprendre beaucoup plus sur les lieux visités. J’ai donc choisi l’option du chauffeur de taxi.

Intéressante combinaison de couleurs dans les ruines de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Les autres options auraient été le pouce, les bus locaux, le vélo ou la location d’une voiture (ou d’une moto?). Le pouce aurait peut-être bien fonctionné, même si je n’ai vu aucun pouceux durant mes trajets au Paraguay. Mais encore là, c’est difficile de prévoir comment ça se passerait. Les bus locaux? La logistique doit être plus complexe, mais les prix des billets doivent être raisonnables. Vélo? Les distances entre les sites étant significatives, je ne suis pas sûr que j’aurais apprécié cette option. De toute façon, je n’ai vu aucun cycliste sur les routes. Ce n’est peut-être pas un moyen de transport interurbain populaire, ici. Location d’un véhicule? Envisageable, oui, mais j’étais seul à assumer tous les coûts. De plus, même si j’ai mon permis de conduire, je ne suis pas un passionné de conduite automobile.

Contrastes à la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé.

Ramón

Le réceptionniste a ainsi contacté Ramón, un sympathique chauffeur d’environ 45 ans. Je lui ai expliqué mon plan et il m’a demandé 600 000 guaranies (environ 112,18 $ CAN) pour la journée; ça n’incluait pas les prix d’entrée sur les sites et mes autres dépenses personnelles. Mais il allait se plier à tous mes caprices touristiques. Je ne sais pas si c’est cher payé, puisque je n’avais pas de point de comparaison, en termes de prix. Mais surtout, en toute franchise, je m’en câlissais, car je voulais faire cette excursion. Si j’avais voulu économiser, je serais resté à Montréal.

Une partie de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Mon plan consistait en ceci: je voulais visiter les deux principaux sites de ruines jésuites, soit la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná et la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé. Ils sont les mieux conservés du pays et ils sont faciles d’accès. Je voulais aussi visiter la plantation Yerba Selecta.

Le sentier à l’entrée de la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé.

Un début prometteur

On est partis vers 9 h, par une splendide journée à la météo parfaite. Très vite, Ramón et moi avons fraternisé. Il était volubile et sociable. Il m’a ainsi beaucoup parlé du Paraguay, de ses caractéristiques géo-socio-politico-économiques, de sa culture, de son histoire, etc. Par exemple, la langue guaranie est enseignée à l’école publique, avec l’espagnol. Ce fut captivant. Comme un crash course sur le Paraguay par quelqu’un qui connaît intimement le sujet. C’est l’un des principaux avantages de recourir aux services d’un chauffeur de taxi: il peut nous donner une masse d’informations à laquelle nous ne pourrions accéder autrement. Oui, on peut bien louer une voiture et googler ensuite sur les sites qu’on visite, mais je trouve infiniment plus intéressant d’entendre quelqu’un qui a passé sa vie ou une partie de sa vie dans un lieu le décrire à travers ses connaissances, ses expériences, ses émotions. Cette description sera plus riche, plus personnalisée, mais surtout, plus mémorable. Plus touchante.

Anciennes unités d’habitations de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Après environ cinquante minutes de route, on a effectué notre premier arrêt: la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

De belles ruines

L’histoire des Jésuites dans le sud de l’Amérique du Sud est complexe et souvent méconnue. Le film The Mission (1986) de Roland Joffé (qui a aussi réalisé le supercutant film The Killing Fields, sur le génocide cambodgien) est, à ma connaissance, l’un des rares films « grand public » qui aborde des pans de cette histoire.

Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Je ne raconterai pas cette histoire en détails ici, ça prendrait plus qu’un simple billet pour en dresser un portrait décent, mais je vais résumer grossièrement quelques faits importants pour vous aider à mieux comprendre la présence des ruines dans la région. Donc, dès le début du XVIIe siècle, les Jésuites fondèrent trente misiones (ou reducciones) au Paraguay, en Argentine et au Brésil. Le Paraguay en comptait huit. En français, on les appelle « missions » ou « réductions », mais comme j’aime l’espagnol, je vais conserver les mots originaux dans ce texte. Les misiones étaient en quelque sorte des villages gérés par les Jésuites. Aménagés autour de la vie religieuse (et l’évangélisation des autochtones) et le commerce, ces villages pouvaient compter plusieurs milliers d’habitants (des Guaranis, surtout).

Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé.

Or la signature du Traité de Madrid en 1750, entre l’Espagne et du Portugal, a mené à un nouveau partage des territoires de la région. Ce partage a provoqué la colère des Guaranis. Ils ont alors choisi de lutter contre les forces coloniales. Cet épisode est appelé la « guerre des Guaranis » (1754-1756).

Entrée de la crypte de l’église de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

La couronne espagnole a par la suite décidé d’expurger ses territoires des Jésuites, car ceux-ci possédaient à ses yeux une trop grande influence spirituelle, politique et économique sur les populations guaranies. Les Jésuites ont donc été expulsés de la région en 1768, sous l’ordre du roi Carlos III, laissant derrière eux les misiones et tout le savoir qu’ils ont accumulé, notamment en ce qui a trait à la culture de la yerba. Ce détail est important dans l’histoire du maté; j’y reviendrai dans mon prochain billet.

Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná

La Misión a été fondée en 1706 et, à son apogée, vers 1728, elle comptait 3000 habitants, surtout des Guaranis.

Vue partielle des ruines de Trinidad.

Les ruines de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná sont les plus complètes et les mieux préservées du pays. Elles se trouvent dans le district de Trinidad, à environ 30 kilomètres au nord-est d’Encarnación, et elles sont facilement accessibles depuis la Ruta PY6, la route principale de la région. D’ailleurs, la ville semble très, très tranquille.

Panneau explicatif à l’entrée du site.

J’ai payé 30 000 guaranies (environ 5,29 $ CAN) pour l’entrée. J’ai dû montrer un document d’identification; ma photocopie de passeport a été acceptée. À noter que le prix du billet permet de visiter trois sites: la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná, la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé et j’ai oublié le nom de l’autre. Désolé.

La Plaza Mayor

J’ai alors joint un groupe d’environ vingt personnes; une guide qui parlait espagnol et portugais nous a ensuite fait faire le tour des lieux. On a d’abord traversé l’ancienne Plaza Mayor pour se rendre à l’église.

Statue dans les ruines de l’église.

L’église est évidemment la pièce maîtresse du site. Elle est d’une envergure impressionnante. Elle possède plusieurs sections, dont une crypte creusée dans le sol. Une salle d’exposition d’artefacts est aménagée dans la partie droite du transept. Des rampes d’accès pour les personnes à mobilité réduite ont été installées, ce qui est très cool.

Une ancienne église accessible.

L’autel.

On a ensuite exploré le reste du site. Certains bâtiments sont mieux conservés que d’autres, comme le mirador.

Le mirador

Les différentes sections révèlent des détails sur l’organisation derrière l’aménagement de la misión.

Le cimetière.

À gauche, des unités d’habitation.

À un certain moment, la guide m’a demandé d’où je venais et elle semblait surprise de savoir que je venais du Canada. J’ai l’impression que la grande majorité des touristes vient de l’Argentine et du Brésil.

D’autres unités d’habitation.

Je n’ai évidemment pas retenu tous les détails mentionnés par notre guide; elle était intéressante, elle maîtrisait son sujet, là n’est pas la question. C’est juste que ma mémoire a ses limites et, visiblement, elles sont plutôt basses chaque fois que je participe à une visite guidée. J’ai tout de même apprécié cette visite. Je la recommande, car l’endroit est fascinant.

L’entrée de la salle d’exposition de l’église.

La visite dure environ une heure. À la fin, les touristes sont encouragés à fréquenter les salles d’exposition du pavillon d’accueil et les boutiques de souvenirs qui se trouvent près de l’entrée du site. Or il n’y avait pas de cartes postales. J’en étais étonné, car, s’il y a bien un endroit où l’on devrait en dénicher, c’est dans le seul lieu du pays à être inscrit sur la liste officielle du patrimoine mondial de l’UNESCO.

De bien belles ruines.

Pour conclure cette partie, je vous offre une vidéo qui vous donnera une idée de l’ambiance des lieux:

Un arrêt à Bellavista

En allant vers les ruines de la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé, on a effectué un arrêt à un monument au maté, à Bellavista. Je l’avais remarqué, dans le bus depuis Ciudad del Este, alors je voulais le voir de plus près. Et me faire photographier avec lui. Mission accomplie. À noter que ce genre de monuments est assez commun dans les pays de la région.

Ça ne paraît pas, mais je capote.

Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé

Cette misión se trouve à environ 38 kilomètres d’Encarnación et à 10 kilomètres de la Misión Jesuítica de Santísima Trinidad del Paraná.

Panneau explicatif à l’entrée de la Misión jesuítica de Jesús de Tavarangüé.

Ces ruines se trouvent sur une route secondaire; pour s’y rendre, on passe devant des lieux aux noms allemands, comme Hohenau. Certaines colonies de la région existent depuis la toute fin du XIXe siècle. Elles attirèrent d’abord des Allemands, puis des Polonais, des Ukrainiens, des Russes, des Français, des Belges, des Japonais et, plus récemment, des Libanais et des Syriens. Apparemment, le criminel de guerre nazi Josef Mengele se serait caché à Hohenau en 1959 et 1960, mais je doute que la ville en retire une quelconque fierté.

L’entrée du site.

Le site aurait compté jusqu’à 3000 habitants, à son apogée. La misión aurait d’abord été fondée en 1685, près de la rivière Monday, mais à cause des raids esclavagistes des colons portugais, elle aurait déménagé à plusieurs reprises, avant d’aboutir à cet emplacement, en 1760. La construction de l’église n’était d’ailleurs pas achevée, lors de l’expulsion des Jésuites.

L’église.

Le site est beaucoup plus petit que celui de Trinidad, mais l’église d’ici est mieux conservée. L’essentiel de sa structure est encore debout. On peut s’imaginer sa splendeur, à son apogée. Son design serait inspiré de celui de la Iglesia de Loyola, à Madrid.

L’intérieur de l’église.

Sinon, bien franchement, il n’y a pas beaucoup d’autres choses à voir. On fait rapidement le tour des lieux.

Une salle à l’intérieur de l’église.

Encore une fois, des rampes pour personnes à mobilité réduite ont été installées, ce qui montre un respectable souci d’accessibilité.

L’accessibilité est un choix.

Un belvédère a été aménagé à l’arrière de l’église et on peut y admirer des champs. D’aucuns diraient que ce n’est pas une vue remarquable, mais l’endroit possède quand même un charme pastoral. Un bon endroit pour se recueillir.

La vue depuis le belvédère. Un paysage qui dégage un calme apaisant.

J’étais seul sur le site durant toute ma visite. Aucun guide ne m’a approché. Je n’en ai pas cherché non plus. Cette solitude me convenait. Le silence conférait aux lieux une ambiance solenelle.

Je l’avoue: j’aime ça, les colonnes.

Un minimusée et une boutique de souvenirs sont situés à l’entrée. Le minimusée compte des artefacts extirpés du site, un historique de l’église, etc. Quant à elle, la boutique propose divers babioles, mais… toujours pas de freakin’ cartes postales.

Quelques artefacts dans le minimusée.

Je vous laisse avec une vidéo tournée là-bas:

Après ces visites, j’étais rassasié de ruines. J’étais maintenant prêt pour le plat principal: la plantation de yerba.

Prochain billet: Excursion dans la région d’Encarnación: à la découverte de la yerba.